lundi 29 avril 2013

Les faussaires de l’économie : le grand mensonge




Austérité : le grand mensonge
La Banque [internationale] pourrait mettre en place un compte en faveur d'une autorité de gouvernance supranationale chargée de préserver la paix et de maintenir l'ordre international.
Si un quelconque pays venait à empiéter sur ses ordonnances
 convenablement autorisées, cette autorité de gouvernance
 pourrait être habilitée à saisir les gouverneurs de la Banque
 des Règlements afin de geler le compte de la banque centrale
du pays délinquant envers l'une de ses ordonnances et empêcher
 toute transaction sur ce compte en dehors de son autorité.
Ceci consituerait une excellente machinerie pour imposer un blocus financier.
The Bank might set up an account in favour of the supranational policing body charged with the duty of preserving the peace and maintaining international order. If any country were to infringe its properly authorised orders, the policing body might be entitled to request the Governors of the Clearing Bank to hold the Clearing Account of the central bank of the delinquent country to its order and permit no further transactions on the account except by its authority. This would provide an excellent machinery for enforcing a financial blockade.
John Maynard Keynes (1941)


Au bout de combien d’erreurs d’analyses, les experts – économiques en l’occurrence – sont-ils discrédités, délégitimés, rayés de la carte ? En d’autres termes, combien de fois faut-il démontrer qu’ils se fourvoient pour que leurs études ne fassent plus autorité, pour que leurs travaux ne servent plus de dogme infaillible à telle ou telle chapelle politique ? Bref, pour qu’ils ne puissent plus se prévaloir du titre d’expert ? 


C’est bien ainsi qu’il convient désormais de poser la question. Voici quelques mois, 
les plus grands experts du Fonds Monétaire International (FMI) avaient admis s’être trompés : leurs travaux avaient sous-estimé l’impact récessionniste des politiques d’austérité, surtout quand celles-ci sont menées à forte intensité au même moment dans plusieurs pays d’une même zone géographique.
Pour le dire autrement : oui, l’austérité, appliquée aveuglément dans la plupart des pays d’Europe, ajoute de la crise à la crise.
Cette fois, ce sont deux économistes américains, Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart, deux professeurs émérites de la célèbre université d’Harvard, qui viennent de reconnaître leur erreur.
Leur thèse était aussi séduisante qu’implacable : une dette publique, lorsqu’elle dépasse le seuil fatidique de 90% du produit intérieur brut (PIB) provoque un effondrement de la croissance. En vertu de quoi, tous les pays devaient d’urgence se désendetter.
Donc, hausse d’impôts et baisse des dépense publiques pour tout le monde.
Les conclusions de leurs travaux, jamais remises en cause, avaient ainsi servi de boussole aux plus grandes institutions financières de la planète pour justifier des politiques de réduction drastique des dépenses publiques. Sauf que tout était faux !
Un jeune étudiant américain, Thomas Herndon, à la demande de son professeur, M.Pollin, a passé des heures et des heures à tenter de refaire la démonstration de Rogoff et Reinhart. En vain. Et pour cause : elle était truffée d’erreurs.
Dans une lettre datée du 17 avril, le professeur Rogoff a reconnu sa faute et promis qu’il « redoublerait d’efforts pour éviter, à l’avenir, de telles erreurs ». Entretemps, des millions d’emplois – publics et privés – ont été détruits sur la foi de ce type de travaux et la crise, économique et sociale, n’a fait que s’aggraver.
Ces nouvelles révélations interviennent au moment précis où le
 G20 – qui n’a pas peur du ridicule – exhorte désormais la zone euro à tourner la page de la rigueur – après lui avoir intimé l’ordre de l’appliquer avec la plus grande fermeté. Plus burlesque encore : l’agence de notation Fitch vient, après Moody’s, de retirer à Londres son triple A. 
Et devinez pourquoi ? Parce que le plan d’austérité qu’applique à la schlague David Cameron, le premier Ministre anglais, détériore gravement les performances de l’économie britannique et sans désendetter d’un centime l’Etat anglais.
Or, cette politique n’a été menée que pour satisfaire les marchés financiers et leur bras armé, les agences de notation, en se basant sur des travaux économiques politiquement orientés et scientifiquement erronés.
Maintenant que le grand mensonge est dévoilé, on continue comme ça ou on arrête les frais ?

Les faussaires de l’économie

"La politique est l'art de se servir des hommes en leur faisant croire qu'on les sert."
Voltaire

 

 

Keneth Rogoff, Mario Draghi et le FMI. Un prix Nobel (en fait prix de la banque de Suède en mémoire d'Alfred…), enseignant à Harvard, le président de la BCE, et le Fonds monétaire international : ces trois « institutions » de l’ économie mondilaes sont prises tour à tour  la main dans le sac de tripatouillage des chiffres !


Le FMI d’abord. On apprend en janvier que ses calculs sur les effets des politiques d’austérité étaient faux. Le « multiplicateur fiscal » (l’effet de l’augmentation des impôts ou la réduction des dépenses publiques sur la croissance d’un pays) était sous-évalué de près de 50%. Une paille ! Soyons juste, c’est l’économiste en chef du Fonds, Olivier Blanchard, qui a lui-même révélé l’affaire, publiant une étude affirmant « que, dans les économies développées, une plus forte consolidation fiscale est allée de concert avec une croissance plus faible que prévu, écrivent-ils. Une explication naturelle est que les multiplicateurs fiscaux étaient nettement plus haut que ce que les prévisions estimaient implicitement.». Hélas, entre temps, la Grèce, le Portugal, l’Italie  et même la France étaient passées en récession, du fait de la « consolidation budgétaire » voulue par l’Union européenne, en application des calculs, faux, du FMI… 
D’ailleurs la leçon n’est toujours pas retenue par l’administration de Bercy. Dans les trajectoires budgétaires pour 2013 et 2014, le gouvernement a adopté un « multipicateur fiscal » de 0,5 (en 2013) et 0,9 (en 2014), bien inférieur aux nouvelles préconisations du FMI, qui sont supérieures à 1. Pourquoi ? La réponse tombe sous le sens : en affichant un multiplicateur faible, on peut masquer l’effet absolument catastrophique de l’austérité, et prétendre que la croissance sera encore de 0,1% en 2013 et de 0,8% en 2014… Les chiffres servent là à masquer les effets de la politique suivie. 
Mario Draghi ensuite. Au Conseil européen de mars dernier, le président de la BCE a fait un petit cours d’économie aux chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles. Objet de la démonstration : prouver que les pays qui ont fait baisser leurs coûts du travail relativement aux autres, ont une croissance supérieur de leur PIB. Ils sont plus « compétitifs ». Mais dans sa démonstration,  Super Mario compare deux séries de chiffres  : l‘une déflatée, l’autre non. L’écart étant d’environ 2% par an, on a vite fait de prouver, faussement, ce qu‘on a envie de prouver. 
Kenneth Rogoff enfin. L‘éminent professeur de Harvard avait prouvé, pensait-on, que tout pays affublé d’une dette publique dont le niveau égale ou dépasse 9 de son PIB serait condamné à la récession. Le chercheur avait publié un tableau récapitulatif des pays lourdement endetté depuis 1946, et arrivait à une croissance moyenne de -01%. Le théorème de Rogoff  avait été repris dans les décisions de la commission européenne. Patatras, quelques étudiants facétieux mais consciencieux reprirent les calculs de la star américaine, et s’aperçurent très vite que quelques biais faussaient les résultats, en particulier l’exclusion de certains pays commela Nouvelle-Zélande et la Belgique, et semble-t-il une erreur du tableur (c’est toujours la faute à Excel, n’est-ce pas…). Toujours est-il que l’étude de Kenneth Rogoff « redressée » aboutit au résultat suivant : en moyenne de longue période, les pays ayant une dette égale ou supérieure à 90% du PIB connaissent une croissance de 2,2%. On peut aussi conclure plus simplement que des pays dont la croissance est basse ont une dette publique forte, et non l’inverse ! 
Pour l‘heure, Mario Draghi n’est pas revenu sur ses calculs approximatifs et Keneth Rogoff maintient que ses erreurs arithmétiques ne faussent pas sa démonstration ! Plus grave : comme on l’a vu pour le FMI et son « multiplicateur fiscal »,  les leçons de ces bévues  manifestes de la BCE et de Rogoff, n’ont toujours pas été prise en compte par les pouvoirs politiques.  Et c’est ce qui nous interroge : pourquoi les pouvoirs politiques ne changent-ils pas de trajectoires lorsqu’on vient de leur démontrer qu’ils nous conduisent droit au fossé ? 
Ce blog Antibobards fut créé sur une intuition, partagée avec mon collègue et ami 
Nicolas Prissète, que l’économie était devenue non plus une science mais un réservoir de « storytelling », selon l’expression de  Christian Salmon.  En résumé, les chiffres et les études n’étaient pas destinées à autre chose qu’à justifier souvent  à posteriori des décisions politiques  contestables, sinon calamiteuses. Nous ne savions pas alors jusqu’à quel sommet d’ineptie nous serions confrontés…  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire