mardi 21 mai 2013

Vers une République irreprochable ...

Dans les mois qui viennent, l’UMP risque d’aggraver sérieusement l’engorgement des tribunaux français ou, en tout cas, de remplir à elle seule les pages de faits divers des journaux. 

En à peine quelques jours, on a appris en effet que  Bernard Squarcini, l’ancien patron de la DCRI (le renseignement français), un tout proche de Nicolas Sarkozy, serait bien renvoyé devant un tribunal dans l’affaire dite des « fadettes ». 

On a surtout découvert que Claude Guéant, ancien secrétaire général de l’Elysée et ex-ministre de l’Intérieur, avait indûment perçu de l’argent en liquide sous forme de primes quand il était place Beauveau, qu’il a aussi reçu sur son compte 500.000 euros en provenance d’un avocat malaisien et 25.000 euros en provenance de Jordanie. 

Le voilà même soupçonné d’avoir imposé à Mme Christine Boutin, alors ministre du Logement, un emploi fictif à 5500 euros par mois pour M. Philippe Pemezec, maire UMP du Plessis-Robinson, déclaré inéligible après l’invalidation de son élection comme député en novembre 2007. 

Et ce n’est pas tout : aux termes de l’enquête confiée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire dans l’affaire dite « Karachi », on vient d’apprendre, grâce aux révélations de France-Info, que l’associé de Ziad Takieddine, M.Adbul Rahman El-Assir, intermédiaire en ventes d’armes, aurait payé des sondages à Edouard Balladur lors de sa campagne présidentielle de 1995. El-Assir était intervenu aux côtés de Takieddine dans la signature des contrats Agosta (vente de trois sous-marins au Pakistan) et Sawari II (vente de frégates à l’Arabie Saoudite). 

Or, les deux magistrats ont reçu copie d’un chèque de 52.000 dollars, émis du compte suisse d’El-Assir et rédigé à l’ordre de Paul Manafort, un des spin doctors de Reagan et de Bush père, pour deux enquêtes d’opinion sur les chances d’Edouard Balladur à l’élection présidentielle de 1995. 

Au même moment, on découvre grâce, cette fois, aux révélations de nos confrères du Parisien, comment la célèbre famille de marchands d’art Wildenstein, une des plus grosse donatrice de l’UMP, a truandé le fisc français pendant des années – au point de lui devoir aujourd’hui plus de 600 millions d’euros.
Pour couronner le tout, dans quelques jours, Mme Christine Lagarde, ex-ministre de l’Economie et aujourd’hui directrice générale du FMI, doit être entendue par la cour de justice de la République dans le cadre de l’affaire… Tapie. 

Rappelons, comme il est d’usage, que tout ce beau monde bénéficie bien sûr de la présomption d’innocence. Avouons néanmoins que ça commence à faire beaucoup pour un ancien président de la République qui, en 2007, promettait une « république irréprochable ». 
« Bon appétit, messieurs !
Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,
L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !
Donc vous n'avez
ici pas d'autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
.../...
L'état s'est ruiné dans ce siècle funeste,
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !
Victor Hugo "Ruy Blass"


Etonnez-vous, après cela, que les Français perdent confiance dans la politique, que les abstentionnistes soient devenus le premier parti de France et que les bataillons d’électeurs de Marine Le Pen, grande théoricienne du « tous pourris », soient légions. Mais laissons faire la justice avant de commenter plus avant l’accumulation de toutes ces affaires… 



VIe République : l’exemple de la démocratie athénienne

Philippe Murer
 est professeur de finance vacataire à la Sorbonne et membre du www.forumdemocratique.Fr 


AVIème siècle avant JC, la Cité d’Athènes se dota progressivement de la Démocratie la plus pure qui n’ait jamais vu le jour. Solon mit fin en 595 au régime aristocratique afin de résoudre une très grave crise économique due à une terrible croissance des inégalités, conduisant parfois jusqu’à l’esclavage du petit peuple surendetté.
Ses réformes approfondies par Clisthène, transformèrent la société aristocratique athénienne en une société démocratique.

La Démocratie, l’économie, la puissance et le rayonnement d’Athènes atteignirent simultanément leur apogée au « siècle de Périclès ». Athènes, Démocratie exemplaire, domine alors toute la Grèce et voit naitre des générations de philosophes, artistes et scientifiques qui resteront dans le cœur de l’humanité. 
  
Le système démocratique repose sur trois assemblées :
 les participants de « la Boulée » sont tirés au sort,
 l’Ecclésia et l’Héliée accueillant l’ensemble des citoyens males d’Athènes
 désireux d’y participer.
Les « magistrats » formant l’exécutif sont tirés au sort chaque année, doivent subir un examen préalable de moralité et de probité et sont contrôlés au sens propre par les Assemblées populaires.
Un habile mécanisme de pouvoir et contrepouvoir entre les différentes
 Assemblées équilibre la Démocratie athénienne qui durera 200 ans. 


A partir de 410, le peuple s’enivrera de sa propre puissance jusqu’à prendre des décisions injustes et tragiques pour sa destinée : il fera ainsi exécuter après un jugement sommaire les stratèges pourtant vainqueur d’une bataille navale sur Sparte  car ils n’auront pu sauver les marins grecs naufragés suite à une tempête !

Athènes finit par sombrer dans la démagogie et la corruption morale avec la République des Avocats. L’ivresse du pouvoir aura peu à peu corrompu
 la Démocratie et empêché l’éclosion d’hommes
 capables de gouverner le pays, dans le sens du bien commun.

La Cité s’affaiblit et après avoir dans ses belles années,
 résisté à la Perse et à Sparte, se laissera submerger par Philippe de Macédoine.
  
La fin de la République d’Athènes s’explique au moins partiellement
par le déséquilibre d’une Démocratie ou le pouvoir du peuple était absolu,
aucun contrepouvoir ne le contrebalançant.
 Ce système fonctionnera quand même correctement pendant plus de 200 ans.
  
Notre Démocratie représentative souffre d’un mal différent
 mais finalement similaire.
  
Les élus du peuple nous représentent et nous gouvernent
 en théorie pour le bien de tous. Comme nous le voyons tous, dans la réalité,
ce mode de gouvernement ne favorise qu’une minorité de citoyens
 malgré les promesses renouvelées mais jamais tenues ;
 le creusement des inégalités et du chômage depuis 40 ans sont des faits,
 les discours tenus depuis 40 ans ne sont que des mots.
 Notre système de gouvernement profite à un cercle de plus en plus étroit,
 pour le bien de quelques-uns et non le bien commun :
 il tend vers un mode oligarchique.
  
La moralité et le sens de l’Etat disparaissent à tire d’ailes ;
 les affaires Cahuzac, Karachi, Tapie, Guéant sont le symptôme
 d’une classe dirigeante en perdition. La récession qui n’en finit plus,
le creusement sans fin des inégalités en sont un autre.
De nombreuses anecdotes, concordantes,
m’ont été raconté par d’anciens agents de l’Etat,
attaché et fiers de servir l’Etat :
 incapable de le servir dans les faits tant la situation de l’Etat
 est devenue parfois anachronique, ils m’ont expliqué
 avoir préféré démissionner pour travailler
 dans le privé plutôt que de vivre dans cette situation schizophrénique.
On pressent que ce système pousse vers la sortie
 nombre de serviteurs zélés de l’Etat et attire à lui, dans les hautes sphères,
des serviteurs moins zélés, préoccupés par leur destinée.
Les hommes étant ce qu’ils sont, ils résistent rarement à la corrosion du pouvoir.
 Ce système centrifuge s’autodétruit, court à sa perte et entraine le pays sur une pente descendante. La clé de cet échec est un défaut évident des Institutions : l’absence de contrepouvoir des citoyens
 sur les élites politiques pendant leur mandat.
  
Aristote pensait que le meilleur système politique n’était ni la Démocratie absolue comme celle d’Athènes, ni la monarchie, ni l’Aristocratie mais la Politeia  :
 un système d’élus par la peuple, en situation de gouverner
mais contrôlés au sens propre par le peuple.
L’avenir de notre pays nécessite la création d’une Démocratie différente
 de celle que nous a léguée la Révolution Française.
Un mélange de Démocratie représentative et de Démocratie directe
 permettrait d’équilibrer le pouvoir des élites
 et le pouvoir du peuple, créant une situation vertueuse.
  
On peut imaginer ainsi une VIème République très proche de la Vème
 avec une différence clé : un Sénat constitué de citoyens tirés au sort parmi les Français âgés de 25 à 65 ans n’ayant eu aucun problème avec la justice,  désignés pour une durée de 3 ans. Ce système fait sourire certains mais la République d’Athènes a duré 200 ans soit plus que notre République !
Et le niveau d’éducation y était moins bien partagée que de nos jours.

 Le Sénat aurait la charge : 

De définir les augmentations de salaires et les avantages des élus de la République,
  De nommer les juges du Parquet ce qui mettrait fin au problème de l’indépendance de la justice,
  De nommer ou de procéder au tirage au sort des experts aptes à diriger les agences du médicament (ce qui évitera de nouvelles affaires Médiator …),
 de l’alimentation, de la CNIL, et d’autres comités … 
  De faire les lois avec le Parlement comme le Sénat actuel. 

                                                     Des Referendum d’initiative populaire, comme la Suisse                                                 les pratique intelligemment, sortiront aussi le citoyen de l’ombre
et lui donneront les moyens de peser sur la vie de la Cité.
  Ce système de contrepouvoir a deux avantages majeurs :
 il évite la « corruption » de l’Etat et permet
à chaque citoyen de s’intéresser au sort de la Communauté,
 à la vie de la cité, de réinventer les liens dans
 cette période d’individualisme marqué.
  
Enfin, pour en finir avec les vecteurs de corruption,
on peut imaginer que les régies d’eau deviennent publiques
et que les terrains soient vendus après confrontation
 et vote sur trois projets par les administrés de la commune concernée.
  
L’Assemblée Constituante n’est pas une bonne solution
si aucun changement en profondeur de notre Démocratie,
 aucune réflexion d’envergure sur ce sujet n’est mené.
  
Quoi de plus exaltant pour notre jeunesse que d’inventer la Démocratie du futur, avec toute la prudence qui s’impose cependant.
La France a d’une certaine manière inventé la Démocratie moderne en 1789,
 notre pays saura-t-il réinventer la Démocratie ?

  
 
NB : pour ceux qui sont intéressés par les problèmes de la démocratie,
je vous signale l’excellent livre de Michel Humbert 
« Institutions politiques et sociales de l’antiquité » 


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