mardi 12 novembre 2013

"Infliger des souffrances aux pauvres" : ce que voudrait Standard and Poor's

Perte du triple A : 

et si ce n’était pAAAs grave

l y a quelques mois, seuls quelques initiés scrutaient les notes des Etats.
Aujourd'hui, beaucoup leur accordent une importance cruciale. A tort.
Rien n’est plus dangereux que l’influence
des intérêts privés dans les affaires publiques,
& l’abus des lois par le Gouvernement
est un mal moindre que la corruption du Législateur,

                                       J. J. Rousseau

           Dégradation de la note: un Nobel au secours de l'exécutif

Et si « le couperet » tombait dans la nuit de mercredi à jeudi ? Et si la France perdait son précieux sésame vendredi ? Depuis quelques jours, les rumeurs s’accumulent sur la possibilité d’une perte du triple A français, relayées à grands renforts de termes anxiogènes. Mais, une dégradation serait-elle vraiment dramatique pour la France ? Beaucoup d’éléments laissent penser le contraire.

A quoi servent les agences ?

Pour le comprendre, revenons d’abord sur ce que veut dire cette (désormais) fameuse note souveraine et sur le rôle de ces (désormais) très fameuses agences de notation.
Les premières agences ont été créées au 19ème siècle, pour répondre aux besoins des investisseurs. En effet, un investisseur est une personne ou une entreprise qui a de l’argent à placer. Elle ne veut pas le perdre, et cherche donc à en savoir le plus possible sur la fiabilité des pays ou des entreprises qui empruntent. A l’époque, de nombreuses lignes de chemins de ferétaient créées et empruntaient beaucoup.
Mais les investisseurs étaient fort marris, puisqu’ils peinaient à distinguer les entreprises fiables des boîtes proches de la banqueroute. Les agences de notation ont donc commencé à juger et noter les entreprises en fonction de leur solidité, et donc du risque qu’elles ne remboursent pas leurs emprunts. Les investisseurs prêtaient ensuite à taux plus ou moins élevé en fonction de la note adressée. D’où l’importance de ces notes : moins bonne est votre note, plus cher sera votre emprunt.

« Les marchés » s’intéressent peu aux notes des pays

Mais, retour en 2011, la finance a beaucoup changé depuis. Les sommes en jeux sont énormes, les Etats, les départements et même les villes sont maintenant notées et les sources d’informations sont bien plus variées. « Les marchés » - puisque c’est le nom que l’on donne aujourd’hui aux investisseurs - prennent en compte la note, mais aussi une multitude d’autres données, jusqu’auxmœurs des dirigeants pour fixer les taux d’emprunts. Si bien que deux pays ayant la même note peuvent se voir accorder des prêts à des taux très différents.
Ainsi, ce jeudi 15 décembre, la France - pourtant notée triple A - emprunte à dix ans à un taux beaucoup plus élevé (3,27%) que les Etats-Unis (1,92%) qui ont eux perdu leur fameux AAA. Les taux ont même baissé dans ce pays après la dégradation de leur note, comme ce fut le cas pour la Nouvelle-Zélande. Qu’on s’entende bien, le taux d’emprunt est crucial. Quand celui-ci augmente d’un seul pour-cent, les intérêts de la dette française s’accroissent de 2,5 milliards d’euros par an. Mais le triple A n’a plus rien d’un « précieux sésame », il n’est plus qu’un symbole.

Le débat est ailleurs

En France, les taux ont grimpé petit à petit depuis plusieurs mois, indépendamment de la note du pays. La France emprunte aujourd’hui comme un pays mal noté. Ainsi, à moins d’un scénario catastrophe voyant la France être le seul pays européen à être dégradé et/ou avoir sa note rabaissée de plusieurs crans au lieu d’un seul, les taux devraient rester aussi élevés qu’aujourd’hui.
Au lieu de se passionner pour ces notes, mieux vaudrait donc se demander pourquoi la France emprunte à taux plus élevé, et pourquoi les États-Unis empruntent à taux bas. En clair, pourquoi les investisseurs croient davantage en les États-Unis qu’en l’Europe.
L’un des éléments de réponse réside justement dans les rapports des agences de notation, estime Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie - Les Verts, spécialiste de la finance européenne. « Elles mettent en garde en tête de leurs craintes une récession généralisée, qui empêche les États de réduire réellement leurs déficits. » La France comme l’Europe ont pris le parti - au nom justement de la défense des notes souveraines - d’une course à l’austérité pour réduire les déficits au risque de plonger dans la récession. Les États-Unis ont eux décidé de faire tourner la planche à billets. Nos créanciers préfèrent largement la seconde solution. Il est temps de penser à un plan B.

"Infliger des souffrances aux pauvres" : ce que voudrait Standard and Poor's

Pour l'économiste Paul Krugman, Standard and Poor's reproche surtout à la France d'augmenter les impôts des plus riches plutôt que de les baisser

C'est une expertise qui devrait faire plaisir au gouvernement. Dans une note sur son blog, Paul Krugman, Prix Nobel d'économie en 2008, minimise la dégradation de la note de la France par Standard & Poor's. "Il faut continuer de dire que les agences de notation n'ont aucune - je dis bien aucune - information spéciale sur la solvabilité nationale, surtout celle de grands pays comme la France", développe le spécialiste sur ce site hébergé par le New York Times. "Ne prenez pas cette dégradation comme la démonstration que quelque chose dysfonctionne vraiment dans l'État français. Il s'agit bien plus d'une idéologie que d'une analyse économique défendable", ajoute Paul Krugman. "Pourquoi cette dégradation ? S&P affirme que le pays n'a pas mené les réformes qui vont permettre de créer de la croissance à moyen terme", estime l'expert. "Mais que savons-nous vraiment des réformes économiques qui vont créer de la croissance, et combien cette croissance va générer ? La réponse est pas grand-chose !" poursuit-il.
Non à la "rhétorique apocalyptique"
Dans une seconde note, il indique : "La France n'est certes pas dépourvue de problèmes, mais la question importante est pourquoi cette nation qui renconntre assez peu de soucis suscite l'intérêt des agences de notation et autant de rhétorique apocalyptique..." D'une seule voix, le gouvernement a défendu ses réformes après la décision de S&P. Arnaud Montebourg, plus incisif, a qualifié les agences de notation de "garçons en culottes courtes". L'opposition a quant à elle invité l'exécutif à "prendre acte" de "l'échec de sa politique".

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