vendredi 29 décembre 2017

Trump : une décision de ce genre, et tout change

Trump : une décision de ce genre,
et tout change

On avait tout imaginé sauf qu'il viendrait à l'esprit d'un président aussi puissant qu'illuminé de jouer à mettre en deuil les populations et l'équilibre séculaire d'une société terriblement fragile.


On sait qu'il va falloir désormais s'habituer au choc d'un événement planétaire chaque jour, sinon chaque semaine ! De plus en plus, d'ailleurs, ce choc nous parvient du Proche-Orient. On avait tout imaginé sauf qu'il viendrait à l'esprit d'un président aussi puissant qu'illuminé de jouer à mettre en deuil les populations et l'équilibre séculaire d'une société terriblement fragile. "Choc", l'expression n'est pas trop forte, même s'il s'agit du fait que les puissances arabo-musulmanes se trouvent soudain privées de protection et de facteurs d'ordre de la part du plus puissant des Etats occidentaux, donc blanc et majoritairement chrétien. Qu'est-ce qui est arrivé ? Vous le savez déjà, c'est cette décision plutôt démente d'un président inédit qui décide depuis Washington de transférer son ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Une décision de ce genre, et tout change.
Tout ? D'abord, le sentiment des populations arabo-musulmanes, qui y sont hostiles, et celui des populations judéo-israéliennes, qui y sont favorables. Jérusalem appartient à l'histoire hébraïque, sinon juive, confirme notre ami François Reynaert. D'accord, mais nous avons tous un passé auquel on peut se référer, non pour justifier la souveraineté sur un Etat ou une patrie, mais d'un point de vue civilisationnel, esthétique ou même archéologique. Alors, que faire de Jérusalem et de la Palestine, deux Etats ? C'est tout le problème ! Reste à le résoudre à la manière imprévisible et désastreuse de Donald Trump.
On nous a dit tous les jours, depuis un certain temps, que plus rien n'était possible entre Palestiniens et Israéliens. L'horizon est désormais encore bien loin de se dégager ! Avec Donald Trump, c'est bien sûr encore pire. Toutes les voies sont déjà bouchées. On a vu des réactions populaires hostiles et violentes dans tous les lieux où les peuples et les opinions publiques arabo-musulmans peuvent se manifester. On a pris peur et on s'est pris à imaginer n'importe quoi. Voyez plutôt.

Il faut être deux pour négocier

Etant donné la façon dont Donald Trump a été désapprouvé à peu près dans le monde entier, n'excluons pas, nous dit-on, des accommodements de rattrapage et de dernière heure. Et pourquoi donc, même l'ambassade américaine une fois installée à Jérusalem, les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens ne reprendraient-elles pas, et même avec plus de chances qu'avant le choc ? Pourquoi les concessions réciproques ne reprendraient-elles pas là où elles ont été laissées aux précédentes rencontres, où elles étaient censées avoir avancé ?
Oui. D'accord. On peut envisager n'importe quoi. Mais hélas, la réponse est bien simple, en fait trop simple. Il faut être deux pour négocier, et quand les Etats-Unis sont là, cela ne fait pas seulement une différence arithmétique. Là, il faut s'arrêter un instant. Ils ne sont pas maîtres du jeu, mais ils ont des liens nouveaux et spectaculaires avec tous les représentants récemment nommés de l'Arabie saoudite. En tant que tels, ils sont évidemment un grand allié, surtout dans le monde sunnite. Mais précisément, surtout dans ce monde-là, alors que le problème, c'est l'autre. C'est l'Iran, l'Irak, le Hezbollah, le Yémen et le Qatar. Parmi tous ces noms flambants et conquérants, il y en a un qui suscite des sentiments explosifs et contradictoires, c'est évidemment l'Iran, puissance chiite entourée d'alliés actifs et minoritaires avec des groupes activistes. Notamment celui du Hezbollah mobilisé contre Israël et ne cédant rien à son ennemi potentiel.
Alors, dans ces conditions, qui pourrait bien prendre la responsabilité de nouvelles négociations avec les Israéliens, même adoubé par Washington ? Suspense : c'est le suspense autour de la volonté, du caprice et de l'expansionnisme iraniens. Jusqu'à maintenant, Donald Trump n'a pas trouvé de riposte possible à cette situation. On dit volontiers, depuis plus d'un an, que les gouvernements arabes ont délaissé la cause palestinienne. Ce n'est pas faux dans une certaine mesure, mais ce qui demeure vrai, c'est que les peuples arabes et musulmans, eux, n'ont rien abandonné de la dimension sentimentale et mobilisable de leur solidarité.

Souvenez-vous : Itzhak Rabin et Anouar el-Sadate

Il faut s'attendre à tout dans ce pays, cette région et cette histoire, où il ne s'est pas passé que des miracles. Jésus ne s'est pas rendu partout en même temps. Il y a une histoire à laquelle je me consacre dans une partie de ma vie : celle de la quasi-simultanéité de deux saints, de l'assassinat et du sacrifice de deux hommes qui auraient mérité la sainteté.
Itzhak Rabin et Anouar el-Sadate, un Israélien et un Egyptien, tous les deux héros de la guerre puis de la paix, enfin de l'amour, ont été assassinés pratiquement de la même manière par le terrorisme, par des terroristes, par des activistes de la barbarie et de la terreur, par l'extrémisme religieux et le patriotisme dément.
Souvenons-nous, pauvre Donald Trump, pauvres Etats-Unis, pauvre judéo-christianisme, de l'année 2017 qui, une semaine avant Noël, ne promet pas un avenir de paix aux hommes de bonne volonté.

Jean Daniel

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