Les
organisations ou ligues antiparlementaires, en sommeil depuis 1926, relèvent la
tête. un mot d’ordre, celui d’une révision de la Constitution, sous forme
impersonnelle. « Un pareil régime ne peut pas durer » Le
régime en question n’est pas nommé mais simplement désigné par ses actes :
massacres des ministères, impuissance face à la crise et aux tensions
européennes.
Le Français est ensuite invité à agir en « exigeant la
réforme de la Constitution ». Une réforme qui passe par l’obtention du droit de
dissolution et de référendum, soit deux mesures susceptibles de modifier
radicalement l’équilibre des pouvoirs pour le meilleur profit de l’exécutif.
Les lois constitutionnelles de 1875 accordaient à l’exécutif, et notamment au
président de la République, un authentique pouvoir.
Le mode de
scrutin proportionnel, qui induit un émiettement de la représentation, favorise
l’instabilité gouvernementale, et l’impuissance de l’exécutif qui s’ensuit,
révèlent l’inadaptation des institutions devant les nouveaux défis auxquels est
confrontée la France.
A
ces difficultés intérieures s’ajoute une crise internationale : l’arrivée d’Hitler
au pouvoir en Allemagne et la radicalisation du fascisme italien servent de
contre-modèle face à une démocratie parlementaire discréditée aux yeux de
beaucoup. C’est dans ce contexte que la France des années trente a vu la
naissance de ligues et de petits partis qu’on englobe souvent soit dans la
catégorie « fasciste » soit dans l’« extrême droite »
Parti populaire français (PPF), œuvre de Joseph Doriot. Exclu du Parti
communiste en 1934. Le PPF
fascine des intellectuels, d’esprit plus ou moins fasciste, comme Ramon
Fernandez, Alfred Fabre-Luce, Bertrand de Jouvenel et Pierre Drieu La Rochelle,
le seul à se déclarer explicitement fasciste, qualificatif jamais assumé par
Doriot avant la guerre. Malgré son culte du chef, l’appel aux
morts, son goût pour le cérémonial, le PPF
reste quant à lui un mouvement pacifiste, ce qui le distingue du fascisme
italien, agressif et belliqueux. Le seul mouvement de masse d’extrême droite en
France durant l’entre-deux-guerres est celui des Croix-de-Feu, dont le chef, La Rocque, ne s’est jamais affranchi de
la légalité républicaine. Solidarité
française (SF) Bucard son fondateur, est reçu à Rome par Mussolini, son modèle.
« L’Union des Fascismes fera la paix du monde». Les Croix-de-Feu, Fondée en 1927 par Maurice Hanot, dit d’Hartoy. 1929,
le lieutenant-colonel de La Rocque adhère au mouvement pour en prendre la tête
en 1931 Pour le Front populaire en formation, la Ligue de La Rocque
représente le fascisme français par excellence. La Rocque
prêche le rétablissement de la moralité, l’entraide nationale, tout en
flétrissant le parlementarisme et le collectivisme.
A
travers les ligues, ressurgit la tentative d'abattre une démocratie
parlementaire jugée responsable du déclin français.
Michel WINOCK, « Les ligues des années Trente »
"Gilets jaunes" : une sale odeur antiparlementaire sur l'Acte XIII
Les manifestants ont ciblé ce samedi l'Assemblée et le Sénat. Un choix qui rompt avec une tradition républicaine et ne peut qu'enchanter l'extrême-droite. Nourri par la droite contre-révolutionnaire, l’antiparlementarisme est une maladie héritée de la IIIe république.La crise des gilets jaunes s'est accompagnée du meilleur (la fraternisation des ronds-points) et le pire (les violences), ou, pour reprendre la langue de Christiane Taubira, "le sublime et l’abject". Ce weekend, c’est le second qui l’a emporté, avec un fumet antiparlementaire prononcé. Ce samedi, les gilets jaunes ont décidé d’aller manifester -sans autorisation- devant les palissades du Palais Bourbon, certains cherchant à les abattre. Un choix contraire à la tradition républicaine ancrée depuis le 6 février 1934, lorsque les ligues d’extrême droite avaient tenté de forcer les barrages du pont de la Concorde pour entrer dans le temple de "la Gueuse".
Même si les parallèles historiques sont toujours hasardeux, le choix de manifester devant le Palais Bourbon, puis de chercher à rejoindre le palais du Luxembourg (Sénat) n’est pas innocent. Il s’agit de marquer une défiance frontale envers les institutions de la démocratie représentative. Dans le même esprit, le référendum d’initiative populaire n’est pas conçu comme un complément utile à celle-ci mais comme un outil de défiance vis-à-vis des élus : il doit servir soit à les révoquer, soit à les court-circuiter. Les militants d’extrême droite, qui se sont greffés dans les manifestations parisiennes, sont dans leur élément : ils poursuivent, eux, la lignée du boulangisme ("Tous vont décamper"), des ligues factieuses ("A bas les voleurs !") et du poujadisme ("Sortez les sortants") ; et le fait que leurs idées soient sous-représentées au Parlement ne peut qu’accroître leur colère contre ce dernier. Mais ils sont minoritaires dans les cortèges jaunes : ce qui est plus troublant, c’est que leur antiparlementarisme soit désormais partagé par tous les autres manifestants, moins politisés jusque là. ...
L'Obs
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