dimanche 16 mars 2014

Le discernement est la principale fonction du juge, et la qualité nécessaire du jugement. Bossuet



De la Démocratie.

Celui qui fait la loi sait mieux que personne comment
elle doit être exécutée & interprétée.
Il semble donc qu’on ne saurait avoir une meilleure constitution
que celle où le pouvoir exécutif est joint au législatif :
Mais c’est cela même qui rend ce Gouvernement insuffisant à certains égards, parce que les choses qui doivent être distinguées ne le sont pas,  
& que le Prince & le Souverain n’étant que la même personne, 
ne forment, pour ainsi dire, qu’un
Gouvernement sans Gouvernement. 
Il n’est pas bon
que celui qui fait les lois les exécute,
ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales,
pour les donner aux objets particuliers.
Rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés
dans les affaires publiques

J. J. Rousseau

C'est le nouveau story-telling à la mode. Le vacarme déclenché par la Droite Furibarde à propos des écoutes de son ancien mentor a suffi à déstabiliser un gouvernement mal accroché.u'il soit épuisé ? 

Qu'il manque de carburant ? Ces dernières 48 heures de l'actualité médiatique ont été consacrées au grand jeu rétrospectif du qui-savait-quoi-et-quand de ces écoutes.              Christiane Taubira savait-elle avant ou après le 26 février ? Et à quelle heure ? A quelle minute ? Et quid de Manuel Valls ? Et pourquoi pas François Hollande ? 
  
La multiplication de ces interrogations grotesques ont fini par se refermer comme un piège sur un gouvernement qui ne voulait commenter le fond de l'affaire par souci de respect de la procédure.  
   

La presse trash   
La presse toute entière, à quelques rares exceptions qu'il faudra sauver un jour, s'est alors encore abimée. Cette « trash-attitude » qui consiste à s'enflammer sur rien, à en faire trop sur rien, à s'exciter sans prioriser, à égaliser d'une plume inconstante les différents remous, est un mauvais démon de l'information moderne.  Ainsi, savoir que Taubira savait compterait davantage que ce qu'elle savait.  L'écoute d'un ancien monarque compterait plus que les fraudes et délits dont on le soupçonne. L'indépendance d'un magistrat compterait moins que le respect de la vie privée d'un ancien monarque.  
   
Il fallait rappeler cette chose comme le soulignait le Parisien fort heureusement : « les enquêteurs auraient découvert que Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation, renseignait discrètement l'ancien chef de l'Etat sur l'affaire Bettencourt  via son ami de toujours, Me Thierry Herzog. » 
   L'un des plus exemples de ce « summum » de l'incompétence tragique fut sans doute donné par Bruno Jeudy, éditocrate émérite du JDD qui s'indigne non pas des affaires ni des polémiques mais de ce que savaient Taubira et Valls.


Nicolas Sarkozy est "sidéré". La confidence, faussement secrète, est répétée publiquement par quelque proche anonyme.  Sidéré que l'un de ses mentors politiques, et plus proches conseillers, l'ait espionné pour quelque 280 d'écoutes clandestines
Sarkozy est aussi "sidéré" que deux juges aient osé le placer sur écoute. Il avait pourtant pris ses précautions. Son avocat Thierry Herzog avait usurpé l'identité de l'un de ses amis, un certain Paul Bismuth désormais célèbre, pour ouvrir deux lignes clandestines.
 Sarkozy est "sidéré" que la police l'ait retrouvé comme un vulgaire dealer. 

La Droite Furibarde se déchaîne donc... contre Christiane Taubira, puis Manuel Valls. La "meute" est lâchée, avec d'autant plus de rage qu'il s'agit de venger l'ancien Monarque, de faire oublier ce qu'il a fait. 
Elle crie, tonne et somme le gouvernement de s'expliquer. Comme une troupe qui suit une meute, nos journaux imprimés et audiovisuels pressurisent à leur tour chaque ministre de s'expliquer. 
 La Garde des Sceaux commet l'erreur de se tromper sur la date à laquelle elle fut informée des écoutes de Nicolas Sarkozy.
Ce point a-t-il une quelconque importance ? Non, aucune. On espère bien qu'elle était au courant. Elle s'explique à la télévision, plusieurs fois.                  Taubira trébuche, même le Monde l'accuse de "disqualification".
L’honnête Copé réclame sa démission, "prise en flagrant délit de mensonge". Christian Jacob répète mot à mot. Nadine Morano accuse Christiane Taubira de "décrédibiliser la justice". 

Ils nous enfument. 

Une certaine presse s'en donne à cœur joie pour soutenir un Sarkozy qui se pose en victime: "Unis face à l'épreuve" (VSD), "Mort ou Vif" (Valeurs Actuelles), "Leur couple plus fort que la trahison" (Point de Vue), "Carla veut se battre pour lui" (Paris Match). 

Les loups de la rue de Vaugirard se lèchent enfin les babines. On glose et digresse sur qui a écouté, on oublie ce qu'on a découvert, on néglige l'essentiel. Jeudi, Taubira est à l'Elysée. Vendredi, elle est à Montreal . Il se trouvera bien quelque gratte-papier de cette presse marginale pour l'accuser de fuir. 

Les affaires du parrain
Ils peuvent être rage, et Nicolas Sarkozy inquiet.  Quand Christiane Taubira brandit imprudemment le rapport du parquet financier qu'elle a reçu le 26 février devant les journalistes, quelques-uns de ces derniers identifient des révélations stupéfiantes: le soupçon de trafic d'influence se renforce. Car on décrypte Thierry Herzog remerciant Gilbert Azibert, procureur à la Cour de Cassation  ("avec ce que tu fais"); on réalise que le dit procureur a approché "deux ou trois" de ses collègues pour en savoir plus sur l'affaire Bettencourt; on découvre que Sarkozy avait été prévenu à l'avance des perquisitions dont il allait faire l'objet. 
Une droite Furibarde nie encore toute légitimité politique à la gauche au pouvoir. Cette attitude reste antirépublicaine, voire séditieuse. 

On connait les affaires de Sarkozy : espionnage de journalistes, menace de suppression du juge d'instruction, fuites à la presse d'enquêtes policières ou de rumeurs pour disqualifier des opposants politiques. 
Il y avait pourtant plus sérieux. Plus personne, ou presque, n'évoque le pacte de responsabilité. Hollande peaufine sa copie secrètement à l'Elysée. De passage à Paris, le nouveau président du conseil italien Matteo Renzi qualifie l'idée de "pacte de stupidité". Il vient d'annoncer un plan de relance de 90 milliards d'euros, avec un slogan prometteur : "10 milliards pour 10 millions d'Italiens" (les plus plus pauvres). Les syndicats et la gauche sont ravis, le patronat suffoque. L'Italie est plus surendettée que la France, à 132% de son PIB; mais moins en déficit - 2,8% contre 3,6%. Ceci explique-t-il cela ? 

En France, ce sont toujours les irresponsables qui parlent les premiers. Le Medef, d'abord, réclame pire encore, sans promettre grand chose: il voudrait des baisses de charges sur tous les salaires, et pas seulement les plus bas où pourtant se concentre l'essentiel du chômage. L'un des syndicats qui a signé les prémisses d'un accord dit de responsabilité avoue la vacuité de la démarche: les entreprises sont incapables de garantir des embauches, ni de la bonne utilisation des réductions de charges. 
Un peu plus loin, François Delapierre du Parti de Gauche râle encore inutilement contre la hausse de TVA de janvier: pour l'heure, elle n'a eu aucun impact sur l'inflation. 

Les écologistes pourraient avoir le sourire cynique. 
 Rédigé par Juan S. le Dimanche 16 Mars 2014



Quel est le citoyen qui parvient à s'y retrouver dans le labyrinthe à la fois politique, judiciaire et médiatique de ces derniers jours ?
Pourtant, les choses n'avaient pas trop mal commencé.
Il y a eu la double page du Monde qui nous informait de l'ouverture, fin février, d'une instruction des chefs de violation du secret et de trafic d'influence susceptibles de concerner Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog son avocat et Gilbert Azibert premier avocat général à la Cour de cassation.
L'ancien président de la République avait été placé sur écoutes en avril 2013 dans une procédure relative à un éventuel financement libyen de sa campagne de 2007. Elles avaient révélé des échanges entre son conseil et lui au sujet de l'affaire Bettencourt et du rôle utile de l'ami de Me Herzog, Gilbert Azibert. Une sinécure à Monaco était évoquée au bénéfice de ce dernier.
Malgré les protestations de nombreux avocats un reflux s'est très rapidement produit qui a fait apparaître leur cause comme une affaire corporatiste toute de solidarité professionnelle et amicale.
On a compris que le secret professionnel n'était pas un barrage hermétique dès lors qu'il était gros de telle ou telle infraction.
D'autant plus que d'autres avocats dont on a moins parlé - comme le célèbre Lev Forster et tel autre choqué par l'acquisition de portables sous de fausses identités - n'ont pas suivi cette ligne qui aurait quasiment assuré une totale impunité au barreau. Il faut saluer sur ce plan la courageuse réaction de la garde des Sceaux qui a énoncé cette évidence salutaire de l'égalité des citoyens devant la loi (TF1). Mediapart et Libération ne sont pas tombés dans le piège tendu et ont su ne pas confondre l'intérêt de la justice avec celui des avocats.
On sait maintenant qu'au moins le 26 février, un rapport faisant la synthèse des écoutes avait été adressé au ministère de la Justice et que le Premier ministre en avait été avisé le même jour (Le Canard enchaîné). Et il est inconcevable que dans le même mouvement le président ne l'ait pas été. Cette démarche parfaitement normale a été occultée par la garde des Sceaux - le ministre de l'Intérieur, pour sa part, n'aura plus besoin de travestir la réalité - sans doute a-t-elle, quand elle était interviewée sur TF1, cru prudent de ne pas dire la vérité par crainte d'aggraver le contexte intensément politique de ces derniers jours et de devoir subir les assauts d'une droite qui oublie son mépris de l'état de droit lors du quinquennat précédent pour se déchaîner à l'encontre d'une justice qui, ne la servant pas, fomente un complot et, lui complaisant, mérite d'être gratifiée. Pourtant, son mensonge a eu un effet dévastateur : il a fait passer une normalité pour un scandale.
Il était effarant d'entendre à "Mots croisés" Henri Guaino et Rama Yade qui, en moins bien, le copiait, s'en prendre à des magistrats accusés de tous les maux, parler de dossiers qu'ils ne connaissaient pas et, pour le premier, dresser des tableaux psychologiques et apocalyptiques de comportements judiciaires parfaitement valides et légitimes. Avec sa haine de cette justice, il est en train de fantasmer sur une justice de la haine qui n'existe que dans sa bouche et l'exacerbation d'une sensibilité ne tolérant pas qu'on touche Nicolas Sarkozy même du bout de la procédure. Eva Joly, techniquement impeccable, ne parvenait pas, avec sa parole maladroite, à contrer le tonitruant et volubile Guaino.
Il était dramatique d'entendre un élu du peuple, des responsables politiques, en l'occurrence de droite, scier la branche démocratique sur laquelle ils sont assis et ne pas s'imposer une réserve minimale à l'égard des institutions de leur pays.
Le président de la République a répondu à Christophe Régnard qui l'alertait sur la séparation des pouvoirs négligée par le bâtonnier Sur qu'il n'avait aucune intention de s'immiscer dans le cours de cette procédure et qu'il était prêt à recevoir l'un et l'autre. Cette habile manière de procéder clôturait bien la controverse.
Les juges ne politisent pas la justice. Ce sont les politiques qui ne supportent pas sa normalité - à droite, ils en avaient perdu le goût et l'habitude durant cinq ans - et la politisent en portant sur elle un regard alterné, contrasté, critique ou reconnaissant. Depuis le mois de mai 2012, qu'on l'accepte ou non, la justice avance librement et les magistrats en profitent. Même s'ils ne se battent pas assez pour que leur voix ne soit pas couverte par des gens qui détestent la justice sans la connaître et en ont peur tout en la méprisant, force est d'admettre qu'ils servent mieux la République que ceux qui s'abandonnent à un populisme anti juges de mauvais aloi.
Le citoyen pourrait espérer s'orienter dans ce labyrinthe si les politiques et certains médias n'éteignaient pas chaque jour la lumière.
 








On n'est pas obligé de croire sur parole Christiane Taubira qui "se domine" paraît-il mais on a le droit de lui prêter une intelligence, certes pas aussi importante que celle qu'elle s'octroie, mais cependant indéniable.

Depuis deux jours, cette chasse à la femme a assez duré et rien n'est plus ridicule que ces demandes de démission à répétition qui n'ont pas d'autre ambition que de faire ressembler encore plus l'univers politique à un théâtre et à un jeu de rôles lassants et ennuyeux (Le Monde, Le Figaro). Peut-être serait-il temps de considérer la lune au lieu du doigt qui la montre ?

Cette occultation de l'essentiel est d'autant plus choquante que depuis peu - grâce notamment au rapport du procureur national financier, la remarquable Eliane Houlette - on sait ce qu'il en est vraiment de ces procédures, de ces écoutes et des éléments recueillis, entre le 28 janvier et le 11 février, qui ont conduit à l'ouverture d'une information, le 26 février, pour violation du secret de l'instruction et trafic d'influence.

Les écoutes de l'ancien président ont été mises en place non pas en avril 2013 mais le 3 et 19 septembre 2013 et, si le portable de Me Herzog n'a jamais été écouté, ses échanges avec son client, avec deux portables acquis sous des identités fictives, ont fait apparaître, avec la référence à Gilbert Azibert et à son rôle, des présomptions de commission des infractions précitées.

Je désespère, au regard d'une calamiteuse tradition française, de faire comprendre que, si la justice est rendue au nom du peuple, cela ne signifie pas forcément que celui-ci en maîtrise les arcanes et les complexités d'autant plus que les politiques de droite ou de gauche, à quelques exceptions près, ne lui donnent pas l'exemple et sont d'une insigne inculture judiciaire qui les conduit à s'exciter à hauteur de leur ignorance et à formuler des jugements expéditifs à proportion même de leurs lacunes. Les médias eux-mêmes, si j'en exclus ceux pour lesquels la justice est le cœur palpitant, troublé et parfois trouble d'une démocratie, ne sont pas, dans leur globalité, des miracles de savoir et de précision.

On a pu le constater avec ces récentes polémiques où l'amateurisme a prédominé sur le mensonge, où le mensonge apparent n'a été qu'une manière tordue et malhabile de se sortir d'un guêpier où la gauche s'est laissée enfermer.

Christiane Taubira, à cause de son propos maladroit sur TF1, a donné l'impression de ne pas assumer ce qui relevait de sa mission de garde des Sceaux : être informée, par l'entremise de la Direction des affaires criminelles et des grâces, des rapports que structurellement les parquets et les parquets généraux transmettent afin d'éclairer le ministère sur le cours des affaires signalées - quels qu'en soient les motifs - et les actes accomplis ou projetés. Cette communication, si elle avait été admise et reconnue comme naturelle, évidente, n'aurait pas suscité le moindre débat puisqu'elle est inhérente à l'existence d'un ministre de la Justice et à la hiérarchie du ministère public.

Par maladresse - elle est allée dans la contrition jusqu'au "malentendu" et a concédé "s'être trompée de dates"- elle a déguisé un processus normal en scandale et fait croire qu'elle cachait ce qu'elle aurait dû si aisément admettre.

Des rapports ont été adressés au ministère de la Justice et celui du 26 février émanant du parquet général accompagnait celui d'Eliane Houlette qui ne se contentait pas d'annoncer l'ouverture d'une instruction mais expliquait sur quel fondement cette décision avait été prise en faisant référence aux éléments des écoutes qui l'avaient justifiée. Christiane Taubira déclarait que le 28 février elle informait Jean-Marc Ayrault.

Le Premier ministre, pour sa part, indiquait avoir été avisé dès le 26 février par sa ministre - ce qui semble tout de même plus plausible compte tenu de l'urgence du fait à transmettre - mais je ne crois pas une seconde que son conseiller judiciaire ou lui-même aient attendu le 4 mars pour transmettre la nouvelle au conseiller compétent de l'Elysée, voire au président lui-même (L'Opinion).

Manuel Valls, lui, nous prend pour des naïfs quand il s'obstine à se décrire comme le grand ignorant de la place Beauvau. C'est inconcevable et invraisemblable, la police informant en général avec une rapidité extrême, parallèlement au circuit judiciaire, sa hiérarchie et donc le ministre de l'Intérieur. Et il s'agit d'écoutes d'un ancien président de la République !

Si je ne suis pas exclusivement et unilatéralement à charge dans ces joutes échauffées, cela tient au fait qu'aucune immixtion directe et autoritaire du pouvoir politique n'a été opérée sur le cours des dossiers récents et, plus généralement, depuis le mois de mai 2012. Au risque de me répéter, il s'agit d'une abstention dont le quinquennat précédent se dispensait, preuves à l'appui, et qui rend saumâtres les leçons de morale publique dispensées par la droite sarkozyste.

L'autopsie de la nomination de François Pérol est par exemple révélatrice à cet égard : l'état de droit a été plus ou moins malmené lors de toutes les alternances mais ce qui constitue les transgressions de Nicolas Sarkozy comme tristement singulières tient à la désinvolture arrogante avec laquelle elles ont été offertes à la République en lui intimant d'avoir à les prendre et à les supporter. Jamais à les laisser. L'état de droit n'était pas seulement offensé mais relégué comme un gadget à la disposition des rêveurs et sans utilité pour les politiques se prétendant sérieux et efficaces.



Pour la gauche, c'est plus compliqué.

De la même manière que la normalité de François Hollande a éclatée parce que, contre son gré, il a été contraint d'adopter un rythme et une tonalité relevant du style de Nicolas Sarkozy, le socialisme est empêtré dans les rets de l'administration de la justice.

Ecartelés entre une exigence de pureté judiciaire et démocratique - surtout ne pas faire comme les prédécesseurs ! - et un souci de réalisme et de pragmatisme - l'indépendance de la magistrature n'interdit pas de s'informer des dossiers importants qu'elle instruit - nos gouvernants, et Christiane Taubira au premier chef, ne savent plus sur quel esprit danser et à force de laisser faire en voulant savoir ils semblent perdre sur les deux tableaux. Tout ce qu'on peut espérer, c'est qu'une pente fatale, devant cette contradiction de plus en plus insoutenable, ne les incitera pas, pour l'état de droit et par une cohérence perverse, à revenir aux anciennes habitudes au lieu de maintenir les nouvelles.

Ceux qui parlent ne savent pas grand-chose et ceux qui savent, en tout cas dans la magistrature active ou dans sa périphérie, ne parlent pas suffisamment : je songe, entre autres, aux syndicats - mais plus de Mur des cons ! -, à Eva Joly, à Eric de Montgolfier et à Renaud Van Ruymbeke qui devraient davantage damer le pion aux ineptes et aux partisans qui se paient la justice parce qu'on présume qu'elle réagira peu et qu'on a raison. Comme l'Eglise hier, avant le charismatique pape François. Elle attend le sien profane.

J'ai été confronté au bâtonnier Burguburu au sujet des derniers événements judiciaires en face des deux animateurs exceptionnels que sont, dans un registre différent, Eric Naulleau et Eric Zemmour. Quel bonheur quand on passe de l'écoute de Caron au dialogue avec ces deux intelligences courtoisement critiques et stimulantes (Paris Première) !

Depuis le mois de mai 2012, en étant loin d'être béat sur l'inquiétante politique pénale de Christiane Taubira, je continue à soutenir que nous avons changé de monde. Ce qui inspire un double enseignement.

Le premier : les magistrats ne politisent pas la justice. Ce sont les politiques qui y instillent leur esprit partisan et plaquent sur elle leur idéologie. Il est évidemment plus commode d'incriminer les juges de ce dont les élites politiques et médiatiques sont coupables. Je répète qu'ils ne créent pas pour leur propre compte les comportements équivoques dont ils sont saisis, qu'ils concernent l'ancien président ou d'autres comme les Balkany par exemple. Ils n'ont plus de raison de s'abandonner à une exacerbation aigre et dangereuse puisque ce pouvoir les traite avec courtoisie et correction.

Le second : il n'y a plus d'interpénétration entre justice et médias. Il y a aujourd'hui deux mondes parallèles, dont l'un judiciaire se meut librement, avec compétence souvent et la plupart du temps dans la discrétion et dont l'autre politique est le témoin à la fois méprisant et craintif de l'activité d'une institution fondamentale pour la démocratie.

A la fin de Mots croisés, Yves Calvi demandait à ses invités quel conseil il convenait de donner aux politiques pour la justice. Je n'en aurais suggéré qu'un, mais capital et tout simple : apprenez-la et ensuite vous en parlerez.

Il y aura un double obstacle à surmonter.

Le populisme basique anti juges.

Le populisme élitiste, faussement noble, dévastateur anti justice.

Alors, menteurs ou amateurs ?

Amateurs sûrement mais il ne faudra plus en abuser.



Justice au singulier






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire