Ecoutes : le complot de Sarkozy contre ces
«bâtards» de juges
Mediapart révèle la teneur de sept
écoutes judiciaires effectuées sur la ligne téléphonique ouverte sous une
fausse identité par Nicolas Sarkozy. L’ancien président a mis en place un
cabinet noir pour neutraliser les juges qui enquêtent sur lui. Selon les
écoutes, le magistrat Gilbert Azibert est bien intervenu auprès de trois
conseillers de la Cour de cassation chargés d’examiner la validité des actes d’instruction
dans l’affaire Bettencourt. L’avocat de Nicolas Sarkozy est par ailleurs
informé par une taupe dans l’appareil d’État sur l’affaire libyenne.
Ce sont les mots d’un ancien président de la
République pris la main dans le sac. Parlant sur des téléphones portables
qu’ils croyaient sûrs, Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry
Herzog, ont orchestré en ce début d’année un véritable complot contre
l’institution judiciaire pour échapper aux juges et en tromper d’autres. Le
nouveau procureur financier n’avait pas d’autre choix que d’ouvrir une
information judicaire pour « trafic d’influence », mais
les faits vont bien au-delà. C’est un nouveau scandale d’État dont il s’agit.
Mediapart a eu accès à la synthèse des
retranscriptions de sept écoutes judiciaires sur la seconde ligne téléphonique
de l’ancien président, ouverte sous la fausse identité de “Paul Bismuth”. Dans
une dérive à peine croyable, Nicolas Sarkozy est allé jusqu’à mettre en scène
avec son conseil de fausses discussions sur sa ligne officielle pour« donner
l’impression d’avoir une conversation ».
Du
28 janvier au 11 février derniers, Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry
Herzog, ont tenté d’entraver méthodiquement le cours de la justice dans
l’affaire des financements libyens et celle de ses agendas présidentiels saisis
dans le dossier Bettencourt. Leurs conversations font état de l’intervention du
haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, auprès de trois
conseillers chargés d’examiner la validité des actes d’instruction de l’affaire
Bettencourt. En échange, l’ancien président a promis au magistrat son soutien
pour un poste à Monaco, comme Le Monde l’avait révélé. Les
juges qui ont mené l’enquête Bettencourt sont désignés, dans ces échanges,
comme les« bâtards de Bordeaux ».
Averti
d’une possible perquisition dans ses bureaux dans l’affaire libyenne, Nicolas
Sarkozy demande aussi à son avocat « d’appeler son
correspondant », manifestement un haut fonctionnaire bien placé dans
la chaîne judiciaire, « parce qu’ils sont obligés de passer par
lui », précise l’écoute.
La
police, chargée de la retranscription de ces écoutes, va d’ailleurs conclure
que les échanges interceptés laissent présumer des « faits de
violation du secret professionnel » dans l’affaire libyenne et
de « corruption d’un magistrat de la Cour de cassation » dans
l’affaire Bettencourt.
Pour
ce qui est du dossier Kadhafi, les policiers ont compris que Nicolas Sarkozy
avait été alerté de son placement sur écoute, ce qui avait déclenché l’achat à
Nice de nouveaux portables sous de fausses identités.
La
première conversation qui attire l’attention des policiers a lieu le mardi 28
janvier, à 12h24. Me Thierry Herzog informe Nicolas Sarkozy de
la teneur du mémoire du rapporteur de la Cour de cassation dans l’affaire de ses
agendas, saisis par les juges de Bordeaux. L’enjeu est de taille :
l’ancien président veut obtenir l’annulation de cette saisie, pour empêcher que
ces documents, déjà versés dans l’affaire Tapie, soient utilisés par la justice
dans d’autres affaires qui le menacent, comme l’affaire libyenne. Thierry
Herzog se montre optimiste. Il pense que les réquisitions du parquet général
lui seront favorables. Nicolas Sarkozy lui demande si « notre
ami » – le magistrat Gilbert Azibert – a
des informations discordantes. Herzog lui dit que non.
Le
lendemain, mercredi 29 janvier, nouvel appel. Il est 19h25. L’avocat de
l’ancien président informe son client qu’il vient de parler à « Gilbert ». Ce
dernier lui a suggéré de ne pas faire attention au contenu « volontairement
neutre » du mémoire du rapporteur dans l’affaire des agendas. Le
rapporteur est en réalité, selon « Gilbert », favorable à
l’annulation. La taupe de Nicolas Sarkozy à la Cour de cassation a prévenu que
les réquisitions de l’avocat général seraient quant à elles communiquées le
plus tard possible, mais qu’elles allaient conclure à l’annulation de la saisie
des agendas présidentiels. Selon l’écoute, « Gilbert » a
déjeuné avec l’avocat général. Me Herzog se félicite du
dévouement de son informateur : il a « bossé »,
dit-il à Nicolas Sarkozy. Et la Cour de cassation devrait suivre les
réquisitions, « sauf si le droit finit par l’emporter »,
commente-t-il, dans un aveu stupéfiant.
Jeudi
30 janvier, à 20h40, les réquisitions arrivent plus vite que prévu. Thierry
Herzog en donne lecture à Nicolas Sarkozy. L’avocat précise avoir eu « Gilbert » le
matin, qui lui a confié que la chambre de la Cour de cassation devrait, d’après
lui, suivre les réquisitions. L’écoute laisse apparaître que « Gilbert » a
eu accès à l’avis confidentiel du rapporteur à ses collègues, qui ne doit pas
être publié. Cet avis conclut également à l’annulation de la saisie des agendas
et au retrait de toutes les mentions relatives à ces documents dans l’enquête
Bettencourt. « Ce qui va faire du boulot à ces bâtards de
Bordeaux », commente Herzog, en parlant des juges qui avaient mis en
examen Nicolas Sarkozy. L’avocat précise à l’ancien président que l’avis de
l’avocat général leur a été communiqué à titre exceptionnel et qu’il ne faut
rien en dire pour le moment.
Ce
sont les mots d’un ancien président de la République pris la main dans le sac.
Parlant sur des téléphones portables qu’ils croyaient sûrs, Nicolas Sarkozy et
son avocat, Me Thierry Herzog, ont orchestré en ce début
d’année un véritable complot contre l’institution judiciaire pour échapper aux
juges et en tromper d’autres. Le nouveau procureur financier n’avait pas
d’autre choix que d’ouvrir une information judicaire pour « trafic
d’influence », mais les faits vont bien au-delà. C’est un nouveau
scandale d’État dont il s’agit.
Mediapart
a eu accès à la synthèse des retranscriptions de sept écoutes judiciaires sur
la seconde ligne téléphonique de l’ancien président, ouverte sous la fausse
identité de “Paul Bismuth”. Dans une dérive à peine croyable, Nicolas Sarkozy
est allé jusqu’à mettre en scène avec son conseil de fausses discussions sur sa
ligne officielle pour« donner l’impression d’avoir une
conversation ».
Du 28 janvier au 11 février derniers, Nicolas Sarkozy
et son avocat, Thierry Herzog, ont tenté d’entraver méthodiquement le cours de
la justice dans l’affaire des financements libyens et celle de ses agendas
présidentiels saisis dans le dossier Bettencourt. Leurs conversations font état
de l’intervention du haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert,
auprès de trois conseillers chargés d’examiner la validité des actes
d’instruction de l’affaire Bettencourt. En échange, l’ancien président a promis
au magistrat son soutien pour un poste à Monaco, comme Le Monde l’avait
révélé. Les juges qui ont mené l’enquête Bettencourt sont désignés, dans ces
échanges, comme les« bâtards de Bordeaux ».
Averti d’une possible perquisition dans ses bureaux
dans l’affaire libyenne, Nicolas Sarkozy demande aussi à son avocat « d’appeler
son correspondant », manifestement un haut fonctionnaire bien placé
dans la chaîne judiciaire, « parce qu’ils sont obligés de passer
par lui », précise l’écoute.
La police, chargée de la retranscription de ces
écoutes, va d’ailleurs conclure que les échanges interceptés laissent présumer
des « faits de violation du secret professionnel » dans
l’affaire libyenne et de « corruption d’un magistrat de la Cour de
cassation » dans l’affaire Bettencourt.
Pour ce qui est du dossier Kadhafi, les policiers ont
compris que Nicolas Sarkozy avait été alerté de son placement sur écoute, ce
qui avait déclenché l’achat à Nice de nouveaux portables sous de fausses
identités.
La première conversation qui attire l’attention des
policiers a lieu le mardi 28 janvier, à 12h24. Me Thierry
Herzog informe Nicolas Sarkozy de la teneur du mémoire du rapporteur de la Cour
de cassation dans l’affaire de ses agendas, saisis par les juges de Bordeaux.
L’enjeu est de taille : l’ancien président veut obtenir
l’annulation de cette saisie, pour empêcher que ces documents, déjà versés dans
l’affaire Tapie, soient utilisés par la justice dans d’autres affaires qui le
menacent, comme l’affaire libyenne. Thierry Herzog se montre optimiste. Il
pense que les réquisitions du parquet général lui seront favorables. Nicolas
Sarkozy lui demande si « notre ami » – le
magistrat Gilbert Azibert – a des informations discordantes. Herzog
lui dit que non.
Le lendemain, mercredi 29 janvier, nouvel appel. Il
est 19h25. L’avocat de l’ancien président informe son client qu’il vient de
parler à « Gilbert ». Ce dernier lui a suggéré de ne
pas faire attention au contenu « volontairement neutre » du
mémoire du rapporteur dans l’affaire des agendas. Le rapporteur est en réalité,
selon « Gilbert », favorable à l’annulation. La taupe de
Nicolas Sarkozy à la Cour de cassation a prévenu que les réquisitions de
l’avocat général seraient quant à elles communiquées le plus tard possible,
mais qu’elles allaient conclure à l’annulation de la saisie des agendas
présidentiels. Selon l’écoute, « Gilbert » a déjeuné
avec l’avocat général. Me Herzog se félicite du dévouement de
son informateur : il a « bossé », dit-il à
Nicolas Sarkozy. Et la Cour de cassation devrait suivre les réquisitions, « sauf
si le droit finit par l’emporter », commente-t-il, dans un aveu
stupéfiant.
Jeudi 30 janvier, à 20h40, les réquisitions arrivent
plus vite que prévu. Thierry Herzog en donne lecture à Nicolas Sarkozy.
L’avocat précise avoir eu « Gilbert » le matin, qui
lui a confié que la chambre de la Cour de cassation devrait, d’après lui,
suivre les réquisitions. L’écoute laisse apparaître que « Gilbert » a
eu accès à l’avis confidentiel du rapporteur à ses collègues, qui ne doit pas
être publié. Cet avis conclut également à l’annulation de la saisie des agendas
et au retrait de toutes les mentions relatives à ces documents dans l’enquête
Bettencourt. « Ce qui va faire du boulot à ces bâtards de
Bordeaux », commente Herzog, en parlant des juges qui avaient mis en
examen Nicolas Sarkozy. L’avocat précise à l’ancien président que l’avis de
l’avocat général leur a été communiqué à titre exceptionnel et qu’il ne faut
rien en dire pour le moment.
Samedi 1er février, 11h22. Nicolas
Sarkozy s’inquiète. Il a été informé par une source non désignée d’un projet de
perquisition de ses bureaux par les juges qui instruisent sa plainte contre
Mediapart dans l’affaire libyenne. L’ancien président demande alors à son
avocat « de prendre contact avec nos amis pour qu’ils soient
attentifs ». « On ne sait jamais », ajoute
Nicolas Sarkozy. L’avocat n’y croit pas, mais, précise-t-il, « je
vais quand même appeler mon correspondant ce matin (…) parce
qu’ils sont obligés de passer par lui ». Ce qui semble désigner une
taupe active de Nicolas Sarkozy dans les rouages de l’État. Nicolas Sarkozy se
montre inquiet quant à la façon de consulter la source. Thierry Herzog le
rassure, lui indiquant qu’il a « un discours avec lui qui est
prêt », c’est-à-dire un message codé pour communiquer. « Il
comprend tout de suite de quoi on parle. »
Le même jour, vingt minutes plus tard, à 11h46.
Nicolas Sarkozy rappelle son avocat. Les policiers surprennent une mise en
scène à peine croyable. L’ancien chef de l’État français demande à son avocat
de l’appeler sur sa ligne officielle, pour « qu’on ait l’impression
d’avoir une conversation ». Thierry Herzog lui demande alors de quoi
il faut parler. Nicolas Sarkozy lui propose d’échanger autour des débats de la
Cour de cassation. Herzog suggère de le faire « sans
triomphalisme », de dire qu’ils ont les réquisitions de l’avocat
général et de préciser aussi qu’ils ne vont pas les divulguer, parce que ce
n’est pas leur genre. Nicolas Sarkozy l’interrompt pour lui demander si« les
juges qui écoutent » disposent de ces réquisitions. Et comme
l’avocat lui dit que non, Nicolas Sarkozy conclut que « ce n’est
pas la peine de les informer ». Herzog propose aussi à son client de
faire semblant de l’interroger sur la plainte qu’il a déposée contre Mediapart.
Il lui dit qu’il l’appelle aussitôt sur sa ligne officielle : « Ça
fait plus naturel. »
Mercredi
5 février à 9h42. Retour à l’affaire Bettencourt. Thierry Herzog a une bonne
nouvelle pour Nicolas Sarkozy. Il vient d’avoir « Gilbert ». Le haut magistrat a rendez-vous le
jour même « avec un des
conseillers » en charge
de l’affaire des agendas « pour
bien lui expliquer ».« Gilbert » se dit optimiste et a demandé à
Thierry Herzog de le dire à l’ancien président. L’avocat lui dit que ce n’est
pas pratique pour le moment, mais il lui promet que Nicolas Sarkozy va le
recevoir, car il sait« parfaitement » tout ce qu’il fait pour lui. Gilbert
Azibert a évoqué avec Thierry Herzog son souhait d’être nommé à un poste à
Monaco. D’après l’écoute, Nicolas Sarkozy se dit prêt à l’aider. Herzog avait
d’ailleurs rassuré par avance « Gilbert » à ce sujet : « Tu rigoles, avec ce que tu
fais… »
Une
semaine plus tard, le mardi 11 février. Il est tard, 22h11. Thierry Herzog, qui
vient d’avoir « Gilbert » au téléphone, annonce à Nicolas
Sarkozy que le haut magistrat « ira
à la chasse demain ». Gilbert a fait savoir qu’il avait rencontré la
veille pour eux un conseiller à la Cour de cassation, et qu’il s’apprêtait à en
voir « un
troisième », avant que les juges ne délibèrent, le lendemain, dans
l’après-midi.
« Il a été décidé qu’on reparlerait, dès les petites classes, d’éducation civique,
d’honnêteté, de courage, de refus du racisme et d’amour de la République.
Il est dommage que l’école ne soit fréquentée que par les enfants. »
André Frossard
Ces multiples manœuvres
frauduleuses n'ont pas empêché Nicolas Sarkozy de perdre sur toute la ligne.
Non seulement la saisie de ses agendas n’a pas été annulée (de justesse), mais
l’écoute de sa ligne téléphonique secrète a donné lieu, le 26 février, à
l’ouverture d’une information judiciaire pour « trafic d’influence ».
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