Le gouvernement s’aplatit toujours plus devant le patronat
Le gouvernement cède
tout au Medef. Après avoir offert 42 milliards d'euros aux entreprises, Manuel
Valls ajoute encore 2,5 milliards, soi-disant pour stimuler l'investissement.
Et quand Vivarte supprime 1 600 emplois tout en signant un chèque de départ
de 3 millions d'euros à son PDG, Emmanuel Macron prétend que l’État est
impuissant.
C'est l'augmentation de salaire de toute une vie. La rémunération moyenne des patrons du
CAC 40 a augmenté de 34% en 2010, à 4,11 millions d'euros annuels. Ces chiffres
sont issus de l'étude
annuelle de la société de conseil aux investisseurs Proxinvest, publiée
mardi 14 février. Depuis avec la continuité de la politique du gouvernement et
malgré les promesses de 2013 les salaires et autre golden parachute n’ont pas cessés
d’augmenter
Dix grands patrons français ont touché une
rémunération représentant plus de 240 smic par an, soit 4,6 millions d'euros,
en 2010. Allez, pour le plaisir :
- Jean-Paul
Agon de L'Oréal : 10,7 millions d'euros ;
- Bernard
Arnault de LVMH : 9,7 millions ;
- Carlos
Ghosn de Renault : 9,7 millions ;
- Bernard
Charlès de Dassault systèmes : 9,5 millions ;
- Franck
Riboud de Danone : 7,7 millions ;
- Maurice
Levy de Publicis : 6,2 millions ;
- Christopher
Viehbacher de Sanofi-Aventis : 6,1 millions ;
- Arnaud
Lagardère de Lagardère SCA : 4,9 millions ;
- Henri de
Castries de AXA : 4,9 millions ;
- Lars
Olofsson de Carrefour : 4,8 millions.
Ces « gens-là » n'ont jamais
renoncé. Utilisant désormais les leviers financiers,
Une caste confisque les fruits des
efforts de tous, collectivisant les pertes et privatisant les bénéfices,
ils ont simplement changé d'échelle.
Elle est désormais planétaire. Et ils se gavent.
Face à cela, la gauche, qui n'a rien
appris en plus de cent ans.
« Rien ».
Ni sur le fond, ni sur les méthodes,
encore moins sur la nécessité de la morale dans l'action.
Danielle Mitterrand
Ce sont deux actualités qui en apparence n’ont
aucune relation entre elles. La première a trait à la politique économique du
gouvernement : celui-ci vient d’annoncer un nouveau et substantiel coup de
pouce fiscal en faveur de l’investissement des entreprises, pour un montant
total de 2,5 milliards d’euros. La seconde concerne
le groupe Vivarte : il vient d’annoncer la suppression de 1 600
emplois et a remis, peu avant, un chèque de plus de 3 millions d’euros à son
PDG, lors de son récent départ. Entre les deux histoires, pas de lien.
Juste une coïncidence de l’actualité, rien de plus…
Sauf qu'en y
regardant de plus près, on a tôt fait de s’apercevoir qu’il y a une relation
très forte entre ces deux nouvelles : si un groupe comme Vivarte peut se
permettre, avec morgue, d’annoncer un violent plan social alors qu’il vient
d’offrir un tas d’or au PDG qui vient d'être écarté, c’est que le gouvernement
ne cesse de multiplier les cadeaux fiscaux et sociaux en faveur du patronat et
qu’il ne lui demande absolument rien en retour, ni engagement sur l’emploi, ni
sur les investissements, ni même un peu de retenue dans sa boulimie de
rémunérations excessives. Il n’y a pas d’autre raison aux comportements
d’avidité que révèle le groupe Vivarte : par sa politique conciliante avec
les milieux d’affaires – beaucoup plus conciliante encore que sous Nicolas
Sarkozy –, c’est le gouvernement lui-même qui encourage et alimente ces très
choquants excès. Et il n’est pas difficile d’en administrer la preuve.
Reprenons plus en
détail nos deux histoires, pour vérifier que l’une est le prolongement de
l’autre…
Durant la campagne
présidentielle, François Hollande avait critiqué Nicolas Sarkozy au motif que,
reprenant les propositions de plusieurs officines patronales, dont l’institut
Montaigne et l’Institut de l’entreprise, le chef de l’État sortant proposait de
mettre en œuvre un « choc
de compétitivité » en
faveur des entreprises, pour leur apporter des allègements de cotisations
sociales ou fiscales de l’ordre de 30 milliards d’euros. À l’époque, le
candidat socialiste avait estimé que la mesure était inopportune dans son
principe comme dans ses modalités.
Or, cette mesure
concoctée par le patronat et défendue par Nicolas Sarkozy est devenue la clef
de voûte de la politique économique de… François Hollande ! Pis que
cela ! Au fil des mois – et des coups de gueule du Medef qui, trop
content, en a demandé toujours plus ! –, François Hollande a finalement relevé à 42 milliards d’euros le montant
de ce « choc de
compétitivité », rebaptisé par abus de langage « pacte de
responsabilité ». Près de 42 milliards d’euros : une somme
affolante, sans laquelle la France n’aurait jamais été assujettie à un plan
d’austérité…
À l’époque,
quand le dispositif a été soumis au Parlement, de très nombreuses voix se sont
élevées – notamment celles des députés « frondeurs » du parti
socialiste, qui ont commencé à se faire entendre sur ce premier sujet –
pour faire valoir que cette fortune serait dépensée en pure perte, et qu’elle
ne stimulerait ni l’investissement ni l’emploi, qui étaient la justification
officielle de la réforme. Les mêmes ont fait valoir que l’argent, prélevé dans
la poche des Français sous la forme du gel des rémunérations publiques ou de la
hausse de la TVA, ne générerait quasiment que des effets d’aubaine. En clair,
beaucoup de parlementaires et tout autant d’experts ont sonné l’alerte :
attention ! la mesure gonflera peut-être les profits des grands groupes,
voire les dividendes servis à leurs actionnaires, mais ne fera le jeu ni de
l’emploi ni des investissements. Lors de la bataille gouvernementale, beaucoup
de parlementaires ont donc émis le souhait qu’à tout le moins, le montant des
cadeaux fiscaux et sociaux apportés aux entreprises soit abaissé et surtout
qu’ils ne soient consentis qu’en contrepartie d’engagements des entreprises
bénéficiaires. Précisément, des engagements en matière d’emploi et
d’investissement. Mais de cela, le pouvoir socialiste n’a pas voulu entendre
parler. Conduisant non pas une politique social-libérale, supposée assise sur
des engagements réciproques des acteurs de la vie économique, mais une
politique néolibérale, il a refusé : les 42 milliards d’euros ont été
consentis sans la moindre contrepartie.
Et ils ont suscité
exactement les effets annoncés : les effets d’aubaine ont été massifs pour
les entreprises. Mais les effets sur l’emploi ont été nuls ou dérisoires. Et
l’investissement des entreprises est toujours aussi raplapla !
Dès lors, on
comprend mieux dans quelle logique vicieuse le gouvernement se trouve aspiré. Comme il sait que cette somme historique de
42 milliards d’euros a été dépensée en pure perte – sauf pour les actionnaires
des grands groupes –, il se sent dans l’obligation de prendre encore une
nouvelle mesure pour stimuler… l’investissement ! Arroser le sable, encore et toujours…
D’où cette disposition
révélée mercredi par Manuel Valls : le gouvernement a annoncé une baisse
fiscale de 2,5 milliards d’euros sur cinq ans pour les entreprises qui font
l’acquisition d’équipements industriels, lesquels ouvriront droit à un système
de « suramortissement ».
Cette annonce fonctionne comme un
révélateur : à sa façon, le gouvernement admet que les 42 milliards
d’euros ont été dépensés en pure perte et qu’ils n’ont en tout cas pas servi,
contrairement à ce qui avait été annoncé, à stimuler l’investissement.
Ce constat de bon
sens, il n’y a d’ailleurs pas que les détracteurs du gouvernement ou ses
opposants qui le font. Il est tellement irréfutable que même le premier
ministre est contraint de l’admettre du bout des lèvres. À l’occasion de
son allocution pour présenter ce système de suramortissement, Manuel Valls a
lui-même émis le regret que le patronat n’ait pas suffisamment profité du
« pacte de responsabilité » pour investir ou embaucher : « Je le dis une nouvelle
fois : sur ce terrain, le compte n’y est pas, l'effort est
insuffisant dans trop de branches professionnelles (…). Le moment approche où
le gouvernement et le Parlement auront à dresser un bilan en vue des prochaines
étapes du pacte, avant l’été, et il est indispensable (...) que la dynamique
monte en charge réellement d’ici là », a-t-il déclaré.
« Le compte
n’y est pas » ! Comment aurait-il
pu en être autrement, puisque le
gouvernement a délibérément refusé que les aides publiques soient allouées sous
conditions suspensives. Dans le nouveau cadeau fiscal de 2,5 milliards
d’euros offerts aux entreprises, il y a donc un révélateur de plus : le gouvernement signifie de la sorte aux
entreprises qu’elles peuvent tout à fait ne pas jouer le jeu, et qu’il
continuera, de son côté, à les arroser de nouveaux cadeaux fiscaux et sociaux.
Le message subliminal est simple : n’écoutez pas mes invitations !
Faites ce que bon vous semble ! De toute façon, nous continuerons à vous
choyer…
« Un financier, ça n’a jamais de
remords.
Même pas de regrets
...
Tout simplement la
pétoche. »
Michel Audiard
Le golden parachute du patron de Vivarte
Et
c’est ici que réside le trait d’union entre cette embardée dans la politique
économique française, et l’embardée dans la vie tumultueuse du groupe Vivarte.
Car pendant un temps, les dirigeants socialistes avaient également promis
d’encadrer les pratiques les plus sulfureuses des grands groupes, aussi bien
dans le public que dans le privé, notamment dans le cas des rémunérations des
cadres dirigeants. Mais finalement, on sait ce qu’il est advenu de cette
promesse : si dans les entreprises
publiques, un plafond de rémunération de 450 000 euros annuels a été
instauré, il fait l’objet d’entorses perpétuelles, sans que le
gouvernement ne réagisse. Et pour le secteur privé, le gouvernement a abandonné
toute velléité d’encadrement pour se satisfaire d’une « autorégulation exigeante » !!!
selon la formule grand-guignol utilisée par Pierre Moscovici, du temps où il
était ministre des finances.
Or,
même cette « autorégulation
exigeante » est devenue une pitrerie. À titre
d’illustration, on sait ainsi que le « package » du patron de Renault
Carlos Ghosn, comprenant sa rémunération
et l’octroi d’actions gratuites, sera porté à 7,2 millions d’euros en 2014,
contre 2,67 millions d’euros l’année précédente. Et à cette somme devrait
venir s’ajouter sa seconde rémunération, celle de Nissan, qui pour l’exercice
précédent avait atteint 7,6 millions d’euros. Au total, pour 2014, l’ensemble
des rémunérations de Ghosn pourrait donc dépasser la somme hallucinante de 15
millions d’euros. Soulignons que du
groupe Renault… l’État est le premier actionnaire !
Sous
un gouvernement socialiste, on est donc passé en moins de deux ans de « l’autorégulation
exigeante » à… l’insatiable boulimie, y compris dans les
entreprises où l’État joue le premier rôle. Pourquoi, là encore, en aurait-il
été autrement ? Alors que le gouvernement multiplie les gestes en
direction du Medef, tout en donnant sans cesse des coups de plus en plus rudes
contre le droit du travail, c’est une sorte de climat de licence ou de totale
permissivité qui s’est instauré dans les milieux patronaux et les milieux
d’affaires. Sans doute n’ont-ils aucune gratitude à l’égard d’un pouvoir qui se
met sans cesse à genoux devant eux, et peut-être même n’ont-ils que mépris à
l’égard d’un gouvernement qui se montre beaucoup plus servile et prévenant que
ne l’étaient les équipes précédentes, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Mais
en tout cas, ces milieux d’affaires ont bien compris que ce gouvernement ne lui
refuserait rien – ou n’était pas en mesure de lui refuser quoi que ce soit. Ce
qui suscite un étrange climat politico-social.
C’est
à la lumière de ce contexte qu’il faut interpréter l’histoire qui vient de
survenir au sein du groupe Vivarte (propriétaire des marques La Halle aux
vêtements, Chaussures André ou encore Kookaï…). Une histoire qui, en d’autres
temps, aurait suscité l’indignation de la puissance publique, mais qui n’a aujourd’hui
entraîné que quelques balbutiements embarrassés d’Emmanuel Macron, le ministre des puissances d’argent.
Pas
plus tard que mardi dernier, le groupe a connu un séisme social. À
l’occasion de comités centraux d’entreprise,
la direction a annoncé que le groupe allait supprimer 1 600 postes de
travail, sur 17 000 salariés. L’enseigne La Halle aux vêtements, pour
ne parler que d’elle, pourrait procéder à la fermeture d’au moins 174 magasins
sur 620.
Or,
ce jeudi, soit deux jours plus tard, le quotidien Le Parisien a
révélé que le PDG du groupe, Marc Lelandais, remercié fin
octobre dernier après deux ans à cette fonction, est parti avec un chèque de 3,075 millions d’euros. Le
PDG évincé aurait perçu « un
bonus pour restructuration d'un montant de 1 million d'euros, auquel
s'ajoute une indemnité de sortie de 1 million d'euros, selon les termes prévus
dans son contrat d'embauche de juillet 2012, ainsi que 1,075 millions d'euros
pour solde de tout compte ».
Dans
un communiqué publié ce même jour, Marc Lelandais a contesté les informations
du quotidien. Selon lui, « les chiffres (...) sont
faux ». L'ex-PDG du groupe Vivarte ajoute : « Le
document présenté est erroné et ne correspond pas à mes indemnités de
départ. » L’intéressé ne précise pas, toutefois, quel est le véritable
montant de ces indemnités
Or,
face à ce séisme social et ce tas d’or offert au PDG écarté, comment a réagi le
gouvernement ? A-t-il sommé Vivarte d’en revenir à un comportement plus
responsable ? Entend-il se donner les moyens de sanctionner d’une manière
ou d’une autre les entreprises qui se comportent de la sorte ?
Nenni ! Il suffit d’écouter Emmanuel Macron (à partir de 16’04’’), qui
était invité ce jeudi matin de RTL, pour comprendre qu’il n'en sera rien.
En
résumé, le ministre a certes décerné un mauvais point au groupe Vivarte – que
le Medef se rassure : sans trop élever la voix ! –, mais il s’est
empressé de faire comprendre que cela n’avait strictement aucune gravité et que
le gouvernement n’en tirerait aucune conséquence : « L’État ne va pas s'immiscer, je
ne vais pas faire une loi pour le patron de Vivarte. »
Ben voyons ! Faire une première
loi pour apporter 42 milliards d’euros aux entreprises ; et puis en faire
une autre, pour leur apporter encore 2,5 milliards de plus : tout cela est
normal ! Mais prendre des mesures
pour protéger les salariés ou d’autres pour contenir la boulimie de certains
grands patrons ? Vous n’y pensez pas !
Ainsi le gouvernement
socialiste travaille-t-il aujourd’hui avec le Medef. Pis qu’à genoux devant
lui, chaque jour un peu plus aplati…
"Qu'ils s'en aillent tous!"
Demain, des millions de gens
iront prendre aux cheveux les puissants, excédés de les voir saccager notre
pays et condamner la population de la cinquième puissance économique du monde
au recul de tous ses acquis sociaux. Ils le feront, révulsés par les mœurs arrogantes des amis de l'argent, non seulement ce Président et
son gouvernement, mais aussi toute l'oligarchie : les patrons hors de prix, les
sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les
financiers qui vampirisent les entreprises, les barons des médias qui ont
effacé des écrans le peuple. Du balai ! Ouste ! De l'air ! Je souhaite une
révolution "citoyenne" en France pour reprendre le pouvoir à l'oligarchie,
au monarque présidentiel, et à l'argent roi. Qui veut vraiment chambouler la
société doit savoir comment et pour quoi faire. Mon croquis est là pour ça.
Pour pouvoir débattre. Partager un enthousiasme. Et donner envie.
J. L. Mélenchon
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