Au dernier Conseil de Paris, mon vœu demandant que soit donné à
une rue dans Paris le nom de Robespierre a été rejeté, non sans lâcheté et
inculture de la part de la majorité de l’assemblée. La demande a soulevé un
flot de réponses outragées voire insultantes de personnalités du monde
médiatique ou intellectuel.
Ceux-ci jugeaient
incompréhensible l'oubli par la Ville de Paris d'un personnage clé de notre
Histoire et de la Grande Révolution qui a vu naître la République. Pourtant, le
vœu a été rejeté, non sans lâcheté et inculture de la part de la majorité de
l’assemblée, à l’exception du groupe communiste et de quelques élu-e-s
socialistes.
La demande a soulevé un
flot de réponses outragées voire insultantes de personnalités du monde
médiatique ou intellectuel, autant de gens « raisonnables », qui se sont hâtés
d'expliquer qu'en demandant d'honorer Maximilien Robespierre, j'adulais un
coupeur de têtes et un dictateur sanguinaire.
Pourquoi donc cette demande
d'une reconnaissance de Robespierre, appuyée pourtant de manière raisonnée et
argumentée par de nombreux scientifiques, a-t-elle provoqué une telle levée de
boucliers ? A travers lui, c'est toujours la Grande Révolution qui est
attaquée. Une raison de plus pour ne rien lâcher dans ce combat d'idées !
Par cette note, j'essaie
d'apporter quelques réponses argumentées, et de décrire cette emprise de
l'idéologie contre-révolutionnaire sur le débat public et politique. N'ayons
pas peur, en célébrant Robespierre, de cliver : car c'est ainsi que l'on crée
la conscience.
Qu'est-ce que la
"Grande Terreur " ? Il s'agit d'une période de deux mois du 10 juin
au 27 juillet 1794, qui a causé la mort de 1366 personnes. Il ne s'agit
évidemment pas de défendre la peine de mort, que je combats radicalement (comme
Robespierre, d'ailleurs). Mais ces morts sont bien moins nombreux que les
violences, massacres, exécutions sommaires auxquels s'adonnaient les Rois de
France, souvent pour défendre leur pouvoir personnel et leur ordre social
inégalitaire et féodal. Et les exécutions sommaires, violences et mesures de
Terreur vont continuer après la mort de Robespierre. Le
nombre d'exécutions a d'ailleurs fortement augmenté en juin 1794, quand
Robespierre quitte le Comité de Salut Public.
L'historien Albert Mathiez le
décrit ainsi comme celui qui « a représenté dans la Terreur la mesure,
l'indulgence, l'honnêteté ». Il faut aussi replacer ces événements dans le
contexte d'une société en guerre extérieure (et Robespierre avait farouchement
milité pour la paix, en fustigeant les “missionnaires armés”, à la différence
de Danton) et en guerre civile, où la Révolution et la République étaient
menacées, et où le retour des rois, qui était une menace réelle, concrète et
immédiate, aurait sans nul doute provoqué des massacres de révolutionnaires
d'une ampleur tout autre que la Terreur. Pour finir sur cet argument, rappelons
que Thiers fut responsable lors de la
Semaine Sanglante en 1871 de 10 à 20.000 exécutions sauvages de communard-e-s,
et qu'il y a néanmoins une rue Thiers à Paris (dans le 16e arrondissement).
Dès le début de
la IIIe République, « le consensus républicain sur la Révolution française, au
début de la IIIe République, s'est fondé sur l'exclusion de Robespierre du
Panthéon des grands hommes de la décennie 1789-1799 ». Et pour quelle raison ?
Parce qu'il « préconisait un impôt
progressif sur le revenu », dans un idéal d'Egalité sociale qui, de
Thermidor jusqu'à aujourd'hui, effraie plus que tout ceux qui gouvernent. C'est
sans doute la raison première des flots de boue sous lesquels ils essaient
d'ensevelir Robespierre, pour nous le faire détester.
La Révolution
française serait l’ancêtre des totalitarismes, le point de départ de toutes les
dictatures. C’est une insulte faite à notre histoire : c’est oublier que la
Révolution fut le point de départ de l’émancipation du peuple, du combat pour
la liberté de toutes et tous, pour l’égalité politique comme l’égalité sociale,
de la fraternité, de l’idéal d’une République, qui est encore inachevé, comme
la décrit Jaurès. Robespierre fut au cœur de tous ces combats. C’est d’ailleurs
lui qui formula le premier le triptyque Liberté
- Egalité - Fraternité. Il fut un précurseur de tous les idéaux
d’émancipation, et une figure centrale du gouvernement révolutionnaire qui
hérita d’une situation catastrophique, d’une guerre qu’il n’avait pas voulue,
et la prit en main avec probité et avec pour seul guide de son action la
sauvegarde de la République et de la souveraineté du peuple. Soit, en somme,
l’inverse du “totalitarisme” dont il est injustement (et absurdement) accusé
d’être l’ancêtre.
Élu député à la
Constituante (1789-1791), puis à la Convention (élue au suffrage universel
masculin) en septembre 1792, Robespierre est ensuite membre du Comité de Salut
Public, qui détient le pouvoir exécutif. Ce comité est réélu chaque mois, et
rend compte chaque semaine de son action devant la Convention. Au sein du
Comité, Robespierre est certes une figure importante, mais il ne détient jamais
aucun pouvoir personnel…
Il le faudra que
soit reconnue l’action de ce grand homme d’Etat qui fit tant pour notre patrie
républicaine et pour l’émancipation de notre peuple, qui fut souvent très seul à défendre le suffrage universel, l’attribution de
la citoyenneté française aux Juifs, l’abolition de
la peine de mort, l’abolition de l’esclavage, l’égalité politique et sociale,
qui lutta contre la guerre, pour l’implication du peuple dans la vie de la
cité, etc.
“Personne
n’aime les missionnaires armés”, argumentait-il contre la guerre,
et cela devrait faire rougir nos va-t-en-guerre contemporains qui prétendent
vouloir imposer aux peuples la liberté par les armes et déstabilisent des
régions entières, faisant le terreau de Daech pour imposer après coup l’état
d’urgence et son régime d’exception. .
Défendant
l’impôt progressif, il disait : “En
matière de contributions publiques, est-il un principe plus évidemment puisé
dans la nature des choses et dans l’éternelle justice, que celui qui impose aux
citoyens l’obligation de contribuer aux dépenses publiques, progressivement,
selon l’étendue de leur fortune, c’est-à-dire selon les avantages qu’ils
retirent de la société ?”... Quoi
de plus actuel alors qu’on vient de voir démontré que le plafonnement de l’ISF défendu par Hollande a été 2 fois
plus favorable aux plus riches que
l’injuste “bouclier fiscal” de Sarkozy ?
Enfin,
dans sa probité légendaire l’Incorruptible écrivait en janvier 1793 : “Nous avons bien des préjugés à vaincre,
avant de concevoir seulement que la source de toutes les mauvaises lois, que
l’écueil de l’ordre public, c’est l’intérêt personnel, c’est l’ambition et la
cupidité de ceux qui gouvernent.”...
Qui peut s’étonner que de telles
paroles heurtent l’oligarchie qui nous gouverne ? Voilà sans doute, aussi,
pourquoi elle met tant d’énergie à calomnier Robespierre !
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