Depuis
l'attentat de Nice, et après l'assassinat d'un prêtre dans une église de
Saint-Étienne-du-Rouvray, la droite ne retient plus ses coups contre le
gouvernement. Nombre de ténors de "Les Républicains"
exigent même la mise ne place de mesure d'exception pour lutter contre le
terrorisme. Des propos qui fracturent un peu plus la communauté nationale,
déplore l'historien Jean Garrigues
Il faut espérer que les attentats les meurtres
qui se sont succédés cette année en France ne sont pas le résultat de la
politique de stigmatisation des populations étrangères ou des critiques
répétées par la classe dirigeante de notre pays, envers la population
musulmane.
Un réflexe communautariste risque de détruire
tous les progrès
d'intégration qu'a connu
notre pays laïque, fraternel et égalitaire.
La plus grande réussite de certains de nos
dirigeants depuis quelques années est sans contexte la banalisation du racisme,
de la xénophobie et de l'antisémitisme, que la France avait déjà connu sous
l'Etat Français.
Au fond
de chaque homme civilisé se tapit un petit homme de l’âge de pierre, prêt au
vol et au viol, et qui réclame à grands cris un œil pour un œil. Mais il
vaudrait mieux que ce ne fût pas ce petit personnage habillé de peaux de bêtes
qui inspirât la loi de notre pays.
Arthur
Koestler et Albert Camus
"La
droite la plus bête du monde". Cette formule de Guy Mollet
reviendrait-elle au goût du jour ? On serait tenté de le croire au vu des
rodomontades et autres déclarations martiales proférées dans l’urgence par
plusieurs ténors des Républicains, à commencer par leur chef de parti, au lendemain des attentats
terroristes de Nice puis de Saint-Étienne-du Rouvray.
Alors même que 67% des Français
déclarent dans un récent sondage être favorables à un "gouvernement
d’union nationale", voilà que les matamores de la droite
dite républicaine se lancent dans une compétition de critiques au vitriol
contre le trio Hollande-Valls-Cazeneuve et de surenchères de propositions répressives, dont une bonne partie est
incompatible avec les règles de notre droit.
Faisant fi du respect exigé par le moment du deuil et
de l’indispensable unité que réclame la lutte contre Daesh et ses émissaires
sanglants, ils saturent l’espace public de polémiques et de petites phrases
assassines, qui n’ont d’autre résultat que de fracturer un peu plus la
communauté nationale, et surtout de brouiller les cartes de notre citoyenneté
républicaine.
Sarkozy
semble à côté de l’histoire
À cet égard, Nicolas Sarkozy nous semble à côté
de l’histoire lorsqu’il estime qu’en "assassinant un prêtre catholique et en blessant gravement des
fidèles dans une église, c’est l’âme de la France qui est touchée".
Il n’est pas question de nier ici l’horreur de ce
crime, pas plus que la place majeure du christianisme dans l’histoire
millénaire de notre pays, bien au contraire. Mais un vrai républicain (surtout lorsqu’il se revendique comme le
dépositaire de la marque) devrait se
souvenir que ce qui fait aujourd’hui l’identité de notre communauté française
aujourd’hui, depuis 1792 ou au moins depuis 1870, ce n’est pas l’Église
catholique, c’est la République.
En décembre 2007, dans son discours dit du Latran, Nicolas Sarkozy avait déjà
pris ses distances avec cette lecture républicaine de notre identité collective
en affirmant que "l’instituteur ne pourrait jamais remplacer le curé ou le pasteur
dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre
le bien et le mal".
À l’époque déjà, cette formule avait été ressentie
comme une provocation par tous ceux qui sont attachés à la tradition laïque de
notre pays, aux "hussards noirs de la République" exaltés par
Charles Péguy. Les pères fondateurs de notre démocratie républicaine, Jules
Ferry, Léon Gambetta, Georges Clemenceau, se retournaient dans leurs tombes.
Ce n’est pas
une guerre de religion qui se mène
Aujourd’hui, dans le contexte de l’offensive
terroriste menée par Daesh contre l’Europe occidentale, une telle déclaration est encore plus déplacée, voire explosive. Elle
tend en effet à accréditer l’idée que c’est une guerre de religion qui se mène,
alors que c’est une guerre de valeurs et de civilisation entre d’un côté un
islamo-totalitarisme et de l’autre côté un système démocratique incarné (entre
autres) par la République française.
Aux yeux d’un historien, la formule de Nicolas Sarkozy
est donc inacceptable à double titre. D’une part, parce qu’en soulignant une
fois de plus les racines chrétiennes de la France, il accroît de facto la
tension entre les différentes communautés spirituelles qui composent notre
République, opposant chrétiens et non-chrétiens, et prenant le risque de
stigmatiser les musulmans de France. Le choc des intégrismes serait
dévastateur !
D’autre part, parce qu’il s’écarte de ce "vivre ensemble" républicain
qui est le véritable ciment de notre communauté nationale. On ne peut pas à
la fois diriger un parti intitulé "Les Républicains" et prendre ses
distances vis-à-vis du socle républicain de notre identité collective. Ce n’est
pas cohérent !
Le plus
grave, c’est que les conséquences des polémiques soulevées par Nicolas Sarkozy,
Eric Ciotti, Christian Estrosi ou Laurent Wauquiez, à savoir la surenchère
autoritaire, la fracturation communautaire et la désunion nationale, sont
précisément les objectifs, voire "les buts de guerre" poursuivis par
l’islamo-fascisme.
2017, moteur
de surenchères belliqueuses
Cela ne veut pas dire qu’il faut anesthésier le débat
public au nom de la discipline républicaine, bien évidemment.
De 1914 à 1917, Georges Clemenceau ne ménagea pas ses
critiques à l’encontre des gouvernements d’union sacrée, les jugeant incapables
de mener le pays à la victoire. On peut d’ailleurs estimer que ses critiques
furent souvent injustes, et qu’elles visaient aussi à le ramener au pouvoir. Mais force
est de constater que les attaques du "Tigre" se situaient toujours
dans le strict périmètre des valeurs républicaines, dont il était l’un des plus
farouches défenseurs.
On aimerait que cet exemple soit médité par les chefs
des Républicains, et que l’obsession
présidentielle de 2017 ne soit pas le seul moteur de leurs surenchères
belliqueuses. Certains, à
l’image du président du Sénat Gérard Larcher, donnent le spectacle réconfortant
d’une opposition républicaine et responsable. C’est le comportement d’un homme
d’État, et non d’un candidat en campagne.
Il faut que chacun s’imprègne de ce modèle, car c’est
ce qu’attendent les Français.
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