vendredi 29 juillet 2016

Face à la barbarie terroriste, tenir et agir


On ne s'habitue jamais à l'horreur.
Malgré la répétition des attaques, malgré le nombre de victimes,
 la barbarie terroriste nous surprend à chaque fois.
Elle nous afflige et nous terrifie. Elle nous divise aussi.
 C'est d'ailleurs l'objectif que poursuivent les assassins de Daech.
 Massacrer pour faire peur d'abord en s'attaquant à tous les
symboles possibles : hier la presse, les juifs, la police, la fête
 nationale et désormais l'Eglise.
Matthieu Croissandeau
Jeter le poison de la discorde dans la population ensuite : religieux contre laïques, musulmans contre chrétiens, banlieues contre centre-ville, gauche contre droite, peuple contre élites… Faire vaciller nos institutions enfin pour faire plonger le pays dans le chaos ou la guerre civile. La France n'a pas le goût de l'union sacrée ni celui des grandes coalitions politiques. Elle ferait pourtant bien d'y réfléchir plutôt que de réclamer la démission de tel ou tel, de céder à la polémique et à l'invective. Il n'y a guère que les populistes pour faire semblant de croire qu'un limogeage soulagerait un tant soit peu la douleur et le chagrin des familles. Et il n'y a que les idiots – ce sont souvent les mêmes – pour penser qu'une telle décision améliorerait l'efficacité de la lutte antiterroriste.
Plutôt que de chercher des victimes expiatoires donc, occupons-nous des vraies victimes et de leurs familles, celles de Paris, de Villejuif, de Nice, de Magnanville et de Saint-Etienne-du-Rouvray aujourd'hui

"Les arguties juridiques" dénoncées par Nicolas Sarkozy après l’assassinat du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray ne sont rien moins que des règles d’ordre constitutionnel.

 A ce titre, les mots choisis par le président des Républicains sont à la fois dangereux et indécents. On ne les retrouve pas dans son interview au Monde et c’est heureux. Les propositions avancées dans cet entretien précisent les intentions d’un ancien chef de l’Etat qui aspire à le redevenir. Ce qui est logique et normal dans un débat démocratique digne de ce nom, même si le projet qu’elles dessinent attentent, en bloc et en détails, à ce qui en constitue le fondement.
Les institutions de la Cinquième République ne sont pas un bloc intangible. Elles peuvent être modifiées. Elles l’ont été à de nombreuses reprises. François Hollande avait d’ailleurs souhaité qu’elles le soient à nouveau au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 sur l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. Ce n’est pas parce qu’il a échoué dans cette tentative sous les tirs croisés d’une partie de la gauche et d’une fraction de la droite que toute tentative de révision doit être exclue par principe, dans un avenir proche.
De ce point de vue, Laurent Wauquiez est plus explicite et plus franc que Nicolas Sarkozy quand il suggère aujourd’hui, dans Le Figaro, d’«adapter» notre loi fondamentale aux exigences de la lutte anti-terroriste telle qu’il la conçoit. Sur la présomption d’innocence, via le sort réservé aux fichés S, la droite ne pourra pas avancer demain, si elle revient au pouvoir, qu’en modifiant le préambule de la Constitution qui se réfère explicitement à la déclaration des droits de l’homme de 1789. Rien ne le lui interdit à condition, bien sûr que cette révolution juridique soit validée par le peuple français, selon les procédures qui sont celles de notre démocratie. En l’occurrence, on imagine mal que tout cela ne passe pas par un référendum, en bonne et due forme.
Le jeu de l’émotion dans un calcul politique

Nous avons bien des préjugés à vaincre,
Avant de concevoir seulement que la source de toutes les mauvaises

lois, que l’écueil de l’ordre public,
C’est l’intérêt personnel, c’est l’ambition et
la cupidité de ceux qui gouvernent.”... 
Robespierre


Là est la vraie limite de cette stratégie du «toujours plus» qui sert de boussole à la droite depuis quelques semaines. Dans un premier temps, au lendemain de l’attentat de Nice, elle n’a eu pour seul objectif que de casser les réflexes d’unité et de rassemblement qui s’étaient manifestés dans la rue en janvier 2015, après Charlie et l’Hypercacher, puis, en novembre, au congrès de Versailles, après la réplique du Bataclan. Pour parvenir à ses fins, elle a utilisé toutes les armes de la polémique, fussent-elles les plus basses, face à un pouvoir d’autant plus faible qu’il ne dispose plus de bases politique suffisantes pour lui assurer une crédibilité minimale, au sein d’une opinion taraudée par la peur.
Christian Estrosi et, sur un mode mineur, Éric Ciotti, ont été les artisans de cette politique insensée, dictée par le court-terme, qui vise à rendre tout gouvernement, par nature, non pas responsable mais coupable de la moindre action terroriste sur le sol national. Sans doute fallait-il des hommes de sac et de cordes pour en arriver là. Mais comment ne pas voir qu’on ne peut à la fois admettre que le pays est «en guerre» pour longtemps tout en s’en prenant par principe et à la moindre occasion à l’action de ceux qui sont chargés de la mener?
Sur de telles bases, on souhaite du plaisir à quiconque prétend aux plus hautes fonctions de l’Etat alors que chacun sait bien que face au terrorisme le risque zéro, hélas, n’existe pas. Personne n’a jamais contesté qu’on puisse faire mieux dans ce combat-là. Mais ce n’est pas faire preuve d’on ne sait quel «fatalisme» que de dire aux Français qu’il ne sera pas gagné de sitôt. Le profil du tueur de Nice montre en tous cas combien il est illusoire de tout prévoir et de tout surveiller. Si la droite s’est saisie de ce drame pour faire le procès du gouvernement, c’est d’abord par calcul. Derrière l’émotion du moment, il y avait une intention déclinée de sang-froid.
On remarquera au passage que les leaders les plus «modérés» de la droite n’ont pas su résister à cette stratégie de délégitimassions systématique, dictée par des enjeux liés à la future primaire de l’opposition. Alain Juppé a ainsi montré sa faible capacité de résistance aux ultras de son camp. Le maire de Bordeaux est peut-être «droit dans ses bottes» mais celles-ci sont en caoutchouc. S’il devient un jour Président, ce n’est pas ainsi chaussé qu’il parviendra à ne pas être, à son tour, un de ces «petits bouchons» ballotés par les frondeurs de tous poils.
Le chef des «Républicains» s'attaque aux traditions ... républicaines
Pour sortir de ce piège qu’elle a elle-même creusée, il fallait donc que la droite, par la voix de ceux qui, dans ses rangs, conservent un sens minimum de l’Etat, sache trouver autre chose que des coups de dagues destinés à faire tomber, un jour le ministre de l’Intérieur, un autre le Premier ministre, et à interrompre de facto le mandat du Président, neuf mois avant son terme. Nicolas Sarkozy s’y emploie à sa façon. A chaque attentat, depuis un an et demi, il procède de la sorte.


En 2006, Nicolas Sarkozy qualifiait de "propos incompétents" la proposition d'encadrement militaire des mineurs délinquants. Il a changé d'avis... Ségolène Royal prend cet "hommage positivement". Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

Nicolas Sarkozy a visiblement évolué sur la question de l'encadrement militaire des mineurs délinquants. "Le gouvernement va reprendre cette proposition" (du rapport du député UMP Eric Ciotti) qui doit "permettre que les auteurs de délits puissent accomplir, pendant quelques mois, un service citoyen dans le cadre d'un établissement d'insertion de la défense", a déclaré ce 13 septembre le chef de l'Etat en visite dans le nouveau centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne).

Prônée depuis 2006 par Ségolène Royal, cette mesure s'était à l'époque attirée l'ironie du président de l'UMP, candidat à la présidentielle, un certain Nicolas Sarkozy.                      "Je suis parfois un peu étonné des propositions qu'elle fait. Si l'avenir des jeunes c'est d'être pris en mains par l'armée, pourquoi pas. Mais je ne le pense pas", avait-il estimé.     Et d'ajouter: "Si on pense que la solution aux problèmes c'est de tenir des propos aussi incompétents, c'est son choix."

l'ancienne candidate s'est félicitée de "cette reconnaissance de solutions efficaces et justes", "un hommage qu'elle prend positivement". Ségolène Royal souhaite que dès 2012 5000 jeunes soient concernés par cette mesure. "Les Français sont fatigués des effets d'annonce, ils veulent des actes. Ce qui est important, c'est que les idées fassent leur chemin", a botté en touche Ségolène Royal, tout en regrettant que le projet du PS ne soit pas allé aussi loin.



Dans l’arsenal Sarkozyste, figurent désormais des mesures qui visent à créer, sur le plan juridique et pratique, ce qui ressemble trait pour trait à un Guantanamo à la française. Ce faisant, il répond aux injonctions d’une partie de la droite qui n’hésite plus à parler de la nécessaire «Israélisation» de nos politiques anti-terroristes, sans d’ailleurs voir que ni les Etats-Unis, ni même Israël, n’ont su dresser les barrages qui les mettent à l’abri du moindre attentat. Ces politiques ne sont pas en soi illégitimes. On peut les défendre dans le cadre d’un débat politique démocratique. De même qu’on peut les combattre en notant qu’elles remettent en cause ce qui constitue le cœur de nos traditions judiciaires et, au-delà, de nos traditions républicaines.  Après le meurtre de 84 personnes le 14 juillet à Nice, puis l'égorgement d'un prêtre dans une église normande mardi, Nicolas Sarkozy n'a pas tardé à lâcher ses coups contre le gouvernement, en réclamant toujours plus de mesures sécuritaires. Mais le patron du parti Les Républicains (LR) ne craint pas de contredire son bilan en la matière. Au point de parfois prôner des dispositifs qu'il a lui-même supprimés lorsqu'il était au pouvoir…
Si Nicolas Sarkozy compte supprimer 300.000 postes de fonctionnaires en cas de retour à l'Elysée, il est convaincu qu'il ne faut pas toucher aux effectifs régaliens. "Il faudra exonérer toutes les forces de sécurité – policière, militaire et judiciaire – de tout effort d’économies, augmenter les moyens de l'armée et embaucher des analystes pour le renseignement", plaide-t-il dans une interview au mercredi 27 juillet. Mais ce que l'ex-chef de l'Etat se garde bien de préciser, c'est qu'il n'en allait pas du tout ainsi pendant son quinquennat. La police et la gendarmerie ont ainsi perdu plus de 9.000 postes entre 2007 et 2011, indiquait un en 2013. Une saignée qui s'explique notamment par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, une mesure-phare du mandat Sarkozy. Côté Défense, la purge a été encore plus rude. La loi de programmation militaire adoptée pour la période 2008-2014 prévoyait la suppression de pas moins de 55.000 postes. Un mouvement poursuivi sous le quinquennat Hollande, avant d'être interrompu sous la pression des attentats de l'an dernier. Dans une interview au en juin, Nicolas Sarkozy réclamait "la création en urgence d'un véritable service de renseignement des prisons". Car pour lui, "il faut du renseignement humain, comme d'ailleurs dans les lieux de culte extrémistes et au sein des groupes radicalisés". Problème : c'est le président Sarkozy qui a éliminé un maillon essentiel de ce fameux "renseignement humain" , bien implantés sur l'ensemble du territoire, pour fondre leurs effectifs dans la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). La conséquence : de moins bonnes remontées d'informations, notamment sur les cités sensibles qui allaient nourrir les filières islamistes.
"Comment des individus fichés, dont l'un est sous contrôle judiciaire pour avoir essayé d’aller faire le djihad en Syrie, ont été laissés libres de commettre un tel attentat ?" s'insurge Nicolas Sarkozy dans Le Monde à propos des deux terroristes de Saint-Etienne-du-Rouvray. , le premier assaillant identifié, Adel Kermiche, a été mis en examen et incarcéré après avoir tenté deux fois de se rendre en Syrie, mais bénéficiait d'une mesure de liberté conditionnelle - c'est d'ailleurs pendant ses horaires de permission de sortie qu'il a commis l'attentat. Or, c'est la loi Dati de 2009 . Afin de ne pas aggraver la surpopulation carcérale, ce texte prévoit notamment que les personnes mises en examen peuvent être assignées à résidence sous bracelet électronique au lieu d'être incarcérées - ce qui était précisément le cas d'Adel Kermiche. Nicolas Sarkozy, qui la "politique de désarmement pénal" qui prévaudrait sous le quinquennat Hollande, n'a donc pas fait montre de la sévérité qu'il prône aujourd'hui à longueur d'interviews.
comme le confie à Marianne un député LR bon connaisseur de ce dossier, "Sarkozy est pris à son propre piège".

En janvier 2015, il n’avait rien trouvé mieux que de proposer une révision… du régime d’heures supplémentaires des policiers. En novembre 2015, il avait expliqué, au grand dam d’Alain Juppé, que «solidarité» ne signifiait pas «unité» avant de suggérer, face à un Président attentif, l’armement permanent des forces de sécurité ainsi que la déchéance de nationalité. Cette fois-ci, il s’engage sur un terrain qu’il avait jusque-là évité, en dépit des pressions de certains de ses proches, tel Laurent Wauquiez. Il n’est pas anodin que les révisions constitutionnelles, que ces projets impliquent renvoient à la déclaration des droits de l’homme de 1789. Si Nicolas Sarkozy préfère, pour une fois, ne pas aller jusqu’au bout de son raisonnement et que Laurent Wauquiez choisit d’euphémiser son propos en ne parlant que d’«adaptation» de la Constitution, n’est-ce pas aussi parce qu’ils mesurent l’ampleur du saut qu’ils proposent? «Le discours de la gauche ne correspond plus à la réalité», vient de dire le président des Républicains dans son interview au Monde. La question est maintenant de savoir si le nom de son parti est lui aussi conforme à cette réalité. Elle sera, quoiqu’il arrive, au centre de la campagne de la prochaine présidentielle et, après tout, au point où on en est, c’est très bien ainsi.

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