" L'excès du
langage est un procédé coutumier à celui qui veut faire diversion.
"
F
Mitterand
On la connaissait
impitoyable et dégoûtée quand un membre de ce qu’elle appelle l’UMPS était pris
la main dans le pot de confiture, et voilà qu’elle trouve que ce n’est pas un
problème. Elle citait la presse comme la
bible et s’étonnait que la justice ne condamne pas assez fort ni assez vite,
elle s’insurgeait en 2004 avec ces mots définitifs :
« Tout le monde a piqué de l’argent dans la caisse, sauf
le Front national. Les Français en ont marre. Mais les Français n’en ont pas
marre d’entendre parler des affaires ! Ils en ont marre de voir des élus qui
détournent de l’argent. C’est scandaleux. »
Et voilà qu’elle
la trouve encombrante. À la veille de concourir pour le poste de président de la
République, c’est-à-dire, si l’on en croit ses propres discours, pour le grand prix de Mme Propre,
Marine 2017 est excédée par Marine 2004. Elle est lasse que la presse et la
justice viennent perturber le sérieux de la campagne électorale avec des
fariboles et des broutilles.
Elle tend même
une main compatissante à l’un de ses grands adversaires. La phrase qui suit n’a
pas été prononcée par un Bruno Retailleau en détresse ou un Luc Chatel en
mission, mais par la patronne du Front national :
« L’affaire Fillon a assez duré. Il est temps qu’on
revienne aux problèmes qui intéressent les Français. »
Par enchantement, les
discours de François Fillon et de Marine Le Pen se sont donc mis à converger.
Ils ont suivi la même évolution.
François Fillon regrettait aussi à l’automne que la
presse ne suive pas assez les affaires, pour la faire siffler en hiver. Et tous
deux s’en prennent aux lois dont ils exigeaient
l’application. Le premier estime, au nom de la séparation des
pouvoirs, que la justice outrepasse ses droits ; la seconde refuse de se rendre
à une convocation de police. Le premier espère que les lenteurs de la procédure
lui permettront de ne pas être mis en examen pendant la campagne électorale ; la
seconde exige que les magistrats observent une « trêve judiciaire » jusqu’à
l’élection du prochain président.
Tous deux parlaient
d’épurer la société. Épuration économique pour l’ancien premier ministre, mais
épuration morale aussi. Sûr de lui et de sa probité, il a contribué par ce
discours tranquille à enfoncer Nicolas Sarkozy et a distancer Alain Juppé. Quant
à Marine Le Pen, sa promesse intégrale était d’en finir avec toutes les formes
de laxisme : laxisme des élites qui magouillent sur le dos des petites gens,
laxisme de la politique migratoire, laxisme de la
justice.
Et soudain, la surprise
!
Les grands épurateurs
dénoncent en chœur les stations d’épuration de la démocratie :
« Je n’irai pas au commissariat, je
dénonce la justice et je m’en prends aux médias qui feraient mieux de se taire.
»
« Je veux
dire aux fonctionnaires, à qui un personnel politique aux abois demande
d’utiliser les pouvoirs d’Etat pour surveiller les opposants, organiser à leur
encontre des persécutions, des coups tordus, ou des cabales d’Etat, de se garder
de participer à de telles dérives »
« Dans quelques semaines, ce pouvoir politique aura
été balayé par l’élection. Mais ses fonctionnaires, eux, devront assumer le
poids de ces méthodes illégales. Ils mettent en jeu leur propre responsabilité.
L’Etat que nous voulons sera patriote. »
Le pouvoir n'est pas un
moyen, il est une fin.
On n'établit pas une
dictature pour sauvegarder une révolution.
On fait une révolution
pour établir une dictature.
La persécution a pour
objet la persécution.
La torture a pour objet la
torture.
Le pouvoir a pour objet le
pouvoir.
George
Orwell
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