Hollande L' Africain cause,
Cameron et Merkel imposent
François Hollande est
enfin sorti de son sommeil. Il a ordonné l'intervention au Mali et il a
entrepris de séduire les eurodéputés en prononçant un discours juste au moment
où s'ouvre le sommet européen sur le budget et alors que
se prépare une vaste réforme de la politique économique européenne.
L’Europe est le seul bloc de l’économie mondiale pour
lequel on annonce une croissance quasi-nulle en 2013. En matière de chômage, de pauvreté, l’UE atteint un
pic historique. Comment en est-on arrivé là ? Ce qui explique la situation
catastrophique de l’UE porte un nom et une explication : le traité budgétaire.
L’Europe a fait un choix inepte : revenir à l’équilibre budgétaire – 0,5%
maximum autorisé) – en quelques petites années. Du coup, on a organisé la récession générale sur l’ensemble du
continent.
"Oui aux économies", annonce le président
avant d'énumérer quatre objectifs de sa politique, dont trois coûtent de
coquettes sommes, et où il exclut toute réduction des dépenses. (Il s'agit des
politiques communes, du pacte de croissance et des programmes d'aide aux plus
démunis.) Au-delà du débat sur le budget européen, Hollande appelle à une
réglementation du taux de change de l'euro qui lui paraît
trop élevé.
La BCE ne lui étant en l'occurrence d'aucune aide, il recourt à une
vieille ficelle : les riches - en d'autres termes, les Allemands. A eux de
consommer davantage afin de relancer la demande sur le marché intérieur. On
croyait pourtant en avoir fini il y a deux ans avec ce genre de débat. …
Merkel impose
l’équilibre sans la solidarité
Le plus grave est le « concept »
et la « vision » qui animent le pacte budgétaire. Selon cette vision
prévaut l’idée que, pour conserver une monnaie unique, il serait possible
d’éviter de bâtir des solidarités en Europe (un budget significatif, des
transferts entre régions, des politiques coordonnées…), à condition que chaque
pays s’en tienne à un strict équilibre.
C’est là ce que les Allemands ont désigné
sous le nom de « Communauté de stabilité budgétaire » :
·
« Communauté » car les pays de
l’UE partagent la même monnaie ;
·
« de stabilité budgétaire » car
chaque pays garantit chez lui le respect de certains équilibres (0,5% maximum
déficit budgétaire, 60% de dette publique).
Or, tout ceci est absurde car une même monnaie pour
des économies très différentes n’est pas tenable. Sans une action permanente pour assurer la
convergence, les pays ne peuvent que diverger, et les asymétries se creuser. Et
c’est ce à quoi nous avons assisté en Europe.
L’Allemagne a imposé cette solution car elle tire
d’énormes avantages du statut quo.
L’un des avantages majeurs pour elle réside dans le fait que, étant spécialisée
au niveau international dans le haut de gamme pour des produits très fortement demandés,
elle bénéficie d’un euro largement sous-évalué ; alors qu’il est nettement
surévalué pour la grande majorité des autres pays membres.
La France suit pour
démanteler l’Etat social
Pourquoi la solution qu’elle proposait
s’est-elle imposée ? Pour une raison essentielle : les autres grand
dirigeants néolibéraux (à commencer par Sarkozy en France) ont vu dans le pacte
un instrument pour faire progresser encore l’agenda néo-libéral, malgré
l’explosion de la crise financière qui marquait l’échec spectaculaire de ce
programme.
L’adoption du Pacte permettait de franchir un nouveau
cran dans le démantèlement de l’Etat social. Le
tour de passe idéologique du néolibéralisme a pu ainsi s’accomplir : la
crise était portée au crédit d’un Etat social trop laxiste.
Nous voyons d’ailleurs avec le récent
budget européen que cette idéologie et cette offensive se poursuivent. En s’appuyant hier sur Sarkozy, aujourd’hui
sur Cameron, l’Allemagne conduit l’Union européenne droit dans le mur.
Quand
aujourd’hui un accord budgétaire est adopté, tu peux être sûr qu’il va flinguer
sec. Celui qui vient d’intervenir ce 8 février sur le budget
2014-2020 de l’Union européenne est du genre flagellant vachard. A la baguette, l’Anglais Cameron et
l’Allemande Merkel. Sous la baguette, les fesses bien françaises du supplicié
Hollande.
Ah,
il nous en avait pourtant pondu un beau, un bon, un volontaire, de discours, le président français devant le Parlement
européen. Gonflé de ces mots-emballage avec gros nœuds boursouflés dont il a
l’incontinent secret :
« Faire des économies,
oui, affaiblir l’économie, non. »
Hollande
avait pourtant tapé d’un poing inébranlable sur la table :
« Si l’Europe devait,
pour chercher un compromis à toute force, abandonner ses politiques communes,
oublier l’agriculture et ignorer la croissance, je ne serais pas
d’accord. »
Le ministre français des Affaires européennes, Bernard Cazeneuve,
avait de son côté affirmé sa détermination de vouloir « se battre pour l’aide alimentaire aux plus démunis » Mais Cameron, lui, voulait garder
son chèque (un rabais consenti en 1985 à son pays sous la pression du dragon
Thatcher). Appuyé par Angela Merkel, il exigeait aussi un budget en baisse
conséquente.
Et
Hollande fut finalement « d’accord ». Les chefs d’Etats de l’UE
viennent d’adopter ce vendredi 8 février le premier budget en baisse de
leur histoire.
Particulièrement frappée, la politique agricole commune avec des
versements amputés de 15 %. Et, plus
grave, une aide alimentaire sabrée d’un tiers de ses ressources !
Côté recette,
la Grande-Bretagne garde intact le rabais auquel elle avait droit. Mais aussi
l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, auxquels s’adjoint un nouveau
bénéficiaire, le Danemark.
Sept ans de pénitence, à moins que...
La France,
elle, se contentera de vagues promesses (un encore très incertain « cadeau »
d’un milliard d’euros glissé au titre du développement rural, pour permettre au
président français de sauver la face).
« Pas mirobolant, mais acceptable », a cru devoir
conclure notre chef de guerre tricolore,
un brin déconfit, mais qui pourra toujours soulager ses frustrations sur
les terroristes évanescents du Sahel.
Ce budget d’extrême rigueur sévira sur une période de sept ans. Tout le monde en subira les douloureuses
conséquences. A commencer par les usagers qui se pressent de plus en plus
nombreux aux Restos du cœur.
Ultime
petite chance de salut : un rejet de ce budget par le Parlement européen.
Fait exceptionnel, les quatre principaux groupes politiques (conservateurs,
socialistes, libéraux et Verts) semblent décidés à ne pas le voter « en l’état ». Espérons que leurs
promesses soient moins volatiles que celles de notre héros élyséen.
Passer à des sociétés économes
Qu’aurait-il pu faire l’UE pour s’en
sortir ? Quels choix sont encore possibles ? Il fallait certes, et il
faut toujours, traiter la question des déficits. Mais il faut le faire très
différemment. D’abord, il faut se donner du temps. L’histoire montre que ces
problèmes ne se résolvent que sur du temps long – vingt, trente ans – et jamais
à marche forcée.
Ensuite, il faut absolument rétablir sinon de la croissance – la question
fait débat –, mais du moins des hauts niveaux d’activités, permettant le retour à l’emploi et l’assainissement des comptes
publics via l’augmentation des recettes fiscales.
En même temps que la crise financière,
nous avons aussi une crise écologique majeure et nous savons tous qu’il faut
changer de modèle productif. Mettre fin à la prédation de la planète et passer
à des sociétés économes en ressources nécessite des investissements colossaux,
et permettrait de construire et/ou de recomposer des séries entières de
filières nouvelles.
Nous aurions pu saisir cette double
opportunité : la crise financière et la crise écologique pour engager une
grande « transition ». Le ministre allemand de l’Energie le disait
lui-même : « Il nous faut un Airbus des énergies solaires ».
Il a parfaitement raison. Il n’a tort que
sur un seul point. Il nous faut non pas un, mais de nombreux nouveaux
« Airbus » pour assurer la transition écologique et sociale. Plus
vite nous nous y engagerons, mieux nous nous porterons.
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