lundi 11 février 2013

Hollande L' Africain cause, Cameron et Merkel imposent



Hollande L' Africain cause,

Cameron et Merkel imposent



François Hollande est enfin sorti de son sommeil. Il a ordonné l'intervention au Mali et il a entrepris de séduire les eurodéputés en prononçant un discours juste au moment où s'ouvre le sommet européen sur le budget et alors que se prépare une vaste réforme de la politique économique européenne.

L’Europe est le seul bloc de l’économie mondiale pour lequel on annonce une croissance quasi-nulle en 2013. En matière de chômage, de pauvreté, l’UE atteint un pic historique. Comment en est-on arrivé là ? Ce qui explique la situation catastrophique de l’UE porte un nom et une explication : le traité budgétaire.
L’Europe a fait un choix inepte : revenir à l’équilibre budgétaire – 0,5% maximum autorisé) – en quelques petites années. Du coup, on a organisé la récession générale sur l’ensemble du continent.


"Oui aux économies", annonce le président avant d'énumérer quatre objectifs de sa politique, dont trois coûtent de coquettes sommes, et où il exclut toute réduction des dépenses. (Il s'agit des politiques communes, du pacte de croissance et des programmes d'aide aux plus démunis.) Au-delà du débat sur le budget européen, Hollande appelle à une réglementation du taux de change de l'euro qui lui paraît trop élevé. 
La BCE ne lui étant en l'occurrence d'aucune aide, il recourt à une vieille ficelle : les riches - en d'autres termes, les Allemands. A eux de consommer davantage afin de relancer la demande sur le marché intérieur. On croyait pourtant en avoir fini il y a deux ans avec ce genre de débat. 
Merkel impose l’équilibre sans la solidarité
Le plus grave est le « concept » et la « vision » qui animent le pacte budgétaire. Selon cette vision prévaut l’idée que, pour conserver une monnaie unique, il serait possible d’éviter de bâtir des solidarités en Europe (un budget significatif, des transferts entre régions, des politiques coordonnées…), à condition que chaque pays s’en tienne à un strict équilibre.
C’est là ce que les Allemands ont désigné sous le nom de « Communauté de stabilité budgétaire » :
·         « Communauté » car les pays de l’UE partagent la même monnaie ;
·         « de stabilité budgétaire » car chaque pays garantit chez lui le respect de certains équilibres (0,5% maximum déficit budgétaire, 60% de dette publique).
Or, tout ceci est absurde car une même monnaie pour des économies très différentes n’est pas tenable. Sans une action permanente pour assurer la convergence, les pays ne peuvent que diverger, et les asymétries se creuser. Et c’est ce à quoi nous avons assisté en Europe.
L’Allemagne a imposé cette solution car elle tire d’énormes avantages du statut quo. L’un des avantages majeurs pour elle réside dans le fait que, étant spécialisée au niveau international dans le haut de gamme pour des produits très fortement demandés, elle bénéficie d’un euro largement sous-évalué ; alors qu’il est nettement surévalué pour la grande majorité des autres pays membres.
La France suit pour démanteler l’Etat social
Pourquoi la solution qu’elle proposait s’est-elle imposée ? Pour une raison essentielle : les autres grand dirigeants néolibéraux (à commencer par Sarkozy en France) ont vu dans le pacte un instrument pour faire progresser encore l’agenda néo-libéral, malgré l’explosion de la crise financière qui marquait l’échec spectaculaire de ce programme.
L’adoption du Pacte permettait de franchir un nouveau cran dans le démantèlement de l’Etat social. Le tour de passe idéologique du néolibéralisme a pu ainsi s’accomplir : la crise était portée au crédit d’un Etat social trop laxiste.
Nous voyons d’ailleurs avec le récent budget européen que cette idéologie et cette offensive se poursuivent. En s’appuyant hier sur Sarkozy, aujourd’hui sur Cameron, l’Allemagne conduit l’Union européenne droit dans le mur.
Quand aujourd’hui un accord budgétaire est adopté, tu peux être sûr qu’il va flinguer sec. Celui qui vient d’intervenir ce 8 février sur le budget 2014-2020 de l’Union européenne est du genre flagellant vachard. A la baguette, l’Anglais Cameron et l’Allemande Merkel. Sous la baguette, les fesses bien françaises du supplicié Hollande.
Ah, il nous en avait pourtant pondu un beau, un bon, un volontaire, de discours, le président français devant le Parlement européen. Gonflé de ces mots-emballage avec gros nœuds boursouflés dont il a l’incontinent secret :
« Faire des économies, oui, affaiblir l’économie, non. »
Hollande avait pourtant tapé d’un poing inébranlable sur la table :
« Si l’Europe devait, pour chercher un compromis à toute force, abandonner ses politiques communes, oublier l’agriculture et ignorer la croissance, je ne serais pas d’accord. »
Le ministre français des Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, avait de son côté affirmé sa détermination de vouloir « se battre pour l’aide alimentaire aux plus démunis »   Mais Cameron, lui, voulait garder son chèque (un rabais consenti en 1985 à son pays sous la pression du dragon Thatcher). Appuyé par Angela Merkel, il exigeait aussi un budget en baisse conséquente.
Et Hollande fut finalement « d’accord ». Les chefs d’Etats de l’UE viennent d’adopter ce vendredi 8 février le premier budget en baisse de leur histoire.
Particulièrement frappée, la politique agricole commune avec des versements amputés de 15 %. Et, plus grave, une aide alimentaire sabrée d’un tiers de ses ressources !
Côté recette, la Grande-Bretagne garde intact le rabais auquel elle avait droit. Mais aussi l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, auxquels s’adjoint un nouveau bénéficiaire, le Danemark.

Sept ans de pénitence, à moins que...

La France, elle, se contentera de vagues promesses (un encore très incertain « cadeau » d’un milliard d’euros glissé au titre du développement rural, pour permettre au président français de sauver la face).
« Pas mirobolant, mais acceptable », a cru devoir conclure notre chef de guerre tricolore, un brin déconfit, mais qui pourra toujours soulager ses frustrations sur les terroristes évanescents du Sahel.
Ce budget d’extrême rigueur sévira sur une période de sept ans. Tout le monde en subira les douloureuses conséquences. A commencer par les usagers qui se pressent de plus en plus nombreux aux Restos du cœur.
Ultime petite chance de salut : un rejet de ce budget par le Parlement européen. Fait exceptionnel, les quatre principaux groupes politiques (conservateurs, socialistes, libéraux et Verts) semblent décidés à ne pas le voter « en l’état ». Espérons que leurs promesses soient moins volatiles que celles de notre héros élyséen.

Passer à des sociétés économes
Qu’aurait-il pu faire l’UE pour s’en sortir ? Quels choix sont encore possibles ? Il fallait certes, et il faut toujours, traiter la question des déficits. Mais il faut le faire très différemment. D’abord, il faut se donner du temps. L’histoire montre que ces problèmes ne se résolvent que sur du temps long – vingt, trente ans – et jamais à marche forcée.
Ensuite, il faut absolument rétablir sinon de la croissance – la question fait débat –, mais du moins des hauts niveaux d’activités, permettant le retour à l’emploi et l’assainissement des comptes publics via l’augmentation des recettes fiscales.
En même temps que la crise financière, nous avons aussi une crise écologique majeure et nous savons tous qu’il faut changer de modèle productif. Mettre fin à la prédation de la planète et passer à des sociétés économes en ressources nécessite des investissements colossaux, et permettrait de construire et/ou de recomposer des séries entières de filières nouvelles.
Nous aurions pu saisir cette double opportunité : la crise financière et la crise écologique pour engager une grande « transition ». Le ministre allemand de l’Energie le disait lui-même : « Il nous faut un Airbus des énergies solaires ».
Il a parfaitement raison. Il n’a tort que sur un seul point. Il nous faut non pas un, mais de nombreux nouveaux « Airbus » pour assurer la transition écologique et sociale. Plus vite nous nous y engagerons, mieux nous nous porterons.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire