dimanche 17 mars 2013

Hollande l'Africain n°2

« Guimauve le Conquérant… », voilà un de ces sobriquets assassins qui colle encore à François Hollande aussi décidé offensif et tranchant à l’extérieur qu’il paraît louvoyant, attentiste et émoussé à l’intérieur. Il pouvait croire s’en être débarrassé de ce méchant surnom comme de quelques autres tels « Flamby » ou « la fraise Flagada » qui se retournèrent d’ailleurs contre leurs inventeurs fabiusiens puis leurs propagateurs sarkozystes. Car le candidat à l’élection présidentielle socialiste révélait derrière un flou et des rondeurs d’apparence sucrées une résistance plus consistante encore que le carambar même s’il en affectionnait les blagounettes. Sa dureté « contondante » put même surprendre Nicolas Sarkozy, si sûr de sa supériorité qu’il décrivît volontiers son adversaire en sucre candide qui « allait se dissoudre dans l’épreuve comme dans l’eau ». Or l’on a constaté qu’il n’avait pas fondu sous les tourmentes et les averses dont il fut quasi constamment arrosé, et même flagellé pendant et après son élection. Pourtant, après 11 mois de pouvoir, re-voilà ce « sot-briquet » de « Guimauve le Conquérant »… 

Il faut reconnaître que le contraste est saisissant entre le chef de guerre impérieux au Mali, et l’incertain président d’une France ballotée par les vents contraires jusqu’à menacer de dériver vers les récifs. Autant il paraît déterminé, offensif dans ces affaires qu’on lui disait pourtant si étrangères, autant il semble pusillanime, dominé par les événements et par son voisin allemand. La presse étrangère elle-même s’en étonne, tel Newsweek qui commence par célébrer ce chef de l’État français, ce qui est nouveau, et change agréablement du « french bashing ». Plus question de débiner « le singe capitulard du temps de la guerre en Irak », les Américains qui ne veulent et ne peuvent jouer seuls les gendarmes du monde, louent « le retour de la puissance française » au rôle décisif dans la bataille contre les islamistes. La rapidité d’arbitrage de François Hollande qu’ils avaient tendance à prendre pour « une french frie », sa capacité d’action, et de projection sur le terrain militaire ont bluffé les « yankees » qui sont même allés jusqu’à lui décerner des félicitations qu’ils réservaient d’ordinaire à leurs alliés anglais. God save the french King ! 

 << Si dans l’intérieur d’un État vous n’entendez le bruit d’aucun conflit, vous pouvez être sûr que la liberté n’y est pas. >>
Montesquieu


Reconnaissons qu’en France même le chef d’État – chef des Armées, qui n’a pas du tout le style jugulaire et n’a jamais manifesté de passion pour la geste militaire, en a surpris plus d’un pour son commandement ferme et son entente avec les galonnés. L’homme qui n’avait pris une décision exécutive forte de sa vie a, en une seule décision, surpris son monde et le Monde. Ce qui rend son indécision sur le plan européen et franco-français d’autant plus saisissante… 

Newsweek encore tout en louant « la superpuissance musclée et volontaire, la seule en Europe capable de lutter contre les djihadistes » s’étonne à juste titre du « manque de virilité politique criant de François Hollande chaque fois qu’on le voit au côté de Angela Merkel ». L’opposition est accablante aussitôt qu’il s’agit de sujets économiques en tout cas. Car l’on a vu qu’avec le choix d’en finir avec l’embargo sur les armes pour les rebelles syriens, le Président français n’a pas attendu la chancelière allemande et mène avec le concours des Anglais une action diplomatique qui ne s’embarrasse pas des réticences d’outre-Rhin. Mais pour le budget européen, comme on l’a constaté hélas, il n’a pas même fait mine de protester pour la forme contre sa révision à la baisse et les restrictions imposées pour les aides alimentaires aux plus pauvres. La France qui guerroie seule au Sahel, « merdoie », pardon pour la grossièreté, à Bruxelles… 

On dira que Hollande en l’occurrence tient compte des rapports de force et qu’il ne prétend pas les créer. Ce n’est pas un guide ni un prophète inspiré. Plutôt un prudent avisé…. La France est isolée, nous explique-t-on, et risquerait de s’isoler encore davantage si elle se lançait dans une croisade vaine contre la toute-puissance économique germanique. Nos arrières budgétaires ne sont pas suffisamment assurés. Et le pansement malien devrait nous faire supporter la blessure narcissique européenne. Sauf que l’esprit français ne fonctionne pas en courant alternatif. On ne peut pas être Cyrano ou Fanfan la Tulipe à mi-temps. Le panache n’est pas un accessoire qui peut se convertir en plumeau pour épousseter la puissance teutonne. C’est un état d’âme et d’action. À ne pas le convoquer, à ne pas mobiliser ce qu’il y a de meilleur dans un pays qui peut s’abandonner aussi au mol endormissement de la déprime, on remportera peut-être quelques victoires au lointain, mais on peut tout craindre au plus proche.
 Le Conquérant ne le sera pas longtemps si « Pépère » continue de siester à l’Élysée…

NICOLAS DOMENACH - MARIANNE



L'UMP a disparu 
L'ancien parti majoritaire a disparu. On ne l'entend plus. Nous savons que nous avons la Droite la plus con du monde depuis les déboires électoraux du combat Copé/Fillon à l'automne dernier. On ne sait plus ce qu'il veut. A un an des élections municipales, c'est le bal des petites ambitions. NKM se voit à la mairie de Paris. Mais l'UMP balance des primaires, en juin prochain. Rachida Dati, autre prétendante, fustige leur caractère opaque. 
  
L'UMP a disparu mais Nicolas Sarkozy est encore là, chaque semaine. Il aurait refusé un joli poste, la direction d'un fond qatari de quelque 500 millions d'euros. L'éventualité, révélée lundi dernier, fait froid dans le dos. Sa compagne publie un album dont deux chansons moqueraient François Hollande en Pingouin et mal-poli. Les attachés de presse démentent. 
  
A Paris, un juge s'est décidé à interroger des représentants de la société Amesys dans une enquête sur des soupçons de complicité de torture. L'entreprise avait vendu de la technologie de surveillance au régime Kadhafi dans les années 2005-2007, avec le concours du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy. Cette technologie avait permis d'arrêter des opposants, dont cinq par la suite torturés portent aujourd'hui plainte. La boîte plaide l'innocence et l'irresponsabilité, elle ne faisait que du business, "un acte commercial ordinaire". 
  
Le président accélère 
... et une France a peur. On lui reprochait d'être lent, malgré une multitude de réformes qui frise la boulimie. On lui reprochera de vouloir accélérer. l'annonce d'un coup de rigueur sur les dépenses par Hollande. 
  
Le président prononce aussi cette phrase clé qui fait peur, tâche et inquiète: « De même pour les prestations sociales qui sont nécessaire, qui sont indispensables pour assurer la justice et la redistribution, là encore, il y a des évaluations à faire et des choix courageux à engager. » 
Et ce François-là confirme l'inévitable: la réforme Sarkozy n'a pas sauvé nos retraites. On nous aurait menti ! Fichtre ! On craint le pire. Hollande abuse d'un vocabulaire qui sent le coup fourré, à moins que ce ne soit le coup de maître. Si l'on veut être honnête, il faut convenir d'attendre, et de juger plus tard si la future réforme sera juste. Pour l'heure, le gouvernement livre statistiques et analyses, installe une commission et prie les partenaires sociaux de se coller à la négociation. 
  
Lesquels, mercredi, signent un accord sur les retraites complémentaires (MEDEF, CFTC, FO, CFDT). La note est salée, mais pour trois ans seulement, le temps de rétablir les comptes: relèvement des cotisations salariées (400 millions d'euros par an) et patronales (700 millions d'euros par an), et désindexation partielle des pensions de l'inflation (2 milliards d'euros par an). Les cadres - actifs ou retraités - sont les plus touchés. 
  Il y a aussi un plan de sauvetage du bâtiment, pour alléger les contraintes liées à la construction. Près de 500.000 constructions ont été autorisées en 2012 - mais seulement 350.000 mises en chantier. Pour aller plus vite sur ce sujet, Hollande envisage le recours aux ordonnances.  
La « vraie » Gauche s'en indigne par avance. Billets, tweets et articles pullulent contre cette perspective. On veut débattre des réglementations immobilières ! Si, si, on vous l'assure ! 
  
La gauche inquiète 
La Gauche, même la vraie, est moins unie quand on évoque la taxation (ou la réduction) desallocations familiales pour les familles aisées. La caisse sera déficitaire de plus de 2 milliards d'euros par an jusqu'en 2016. Bizarrement, l'UMP et le Front de Gauche sont ensemble pour dénoncer une attaque à la politique familiale. 
  
C'est incompréhensible mais c'est la France de 2013. 
  
Des associations de chômeurs ne sont pas contentes. Michel Sapin, présent à leur rencontre, n'a accepté aucune (nouvelle) mesure d'urgence (moratoire sur les indus, réforme des radiations, facilitation des accès aux minima pour les fins de droits, etc). Combien d'immolations de chômeurs en fin de droits faudra-t-il se demandent certains. 
  
Avec raison. 
  
Certaines causes n'attendent pas les conférences. Les services du même Sapin ont livré une belle analyse des chômeurs non indemnisés, voici 10 jours. Trop peu commenté, le rapport était comme un pavé dans la gueule ou dans la marre des chantres de la Droite Forte ou Sociale:un chômeur sur deux ne touche rien. Et 80% de ces non-indemnisés n'a pas non plus de minima sociaux. 
  
Manuel Valls a franchi une borne. Un mauvais propos sur la communauté Rom, dans les colonnes du Figaro. 
  
L'Europe énerve 

Jeudi, un sommet européen, encore un. La rigueur, elle vient de là-bas. Une fraction de la gauche et d'ailleurs en est sûr. Sans l'Europe, la France (prononcez Fraaaaaance) serait ce caillou isolé et hors sol, heureux et prospère. On mangerait du cheval français dans nos boeufs bourguignons. Pour atteindre ce paradis perdu, il nous manquerait une gauche moins frileuse. Ou bien... Ou bien « on » nous raconte n'importe quoi. 
  
Pascal Canfin, ministre du développement, ne veut plus de rigueur. « On constate que les efforts budgétaires mis en œuvre simultanément dans l'ensemble des pays membres provoquent une récession. On se tire une balle dans le pied ». A Paris et en coulisses, nombre de ministres disent la même chose. Le Canard Enchaîné fait l'addition: il y a une trentaine de milliards d'euros d'impôts ou d'économies à identifier pour boucler le budget 2014. 
  
A Strasbourg, la veille du sommet, le Parlement rejette le projet de budget récessif 2014-2020. C'est une première réjouissante mais absurde: comment laisser un Parlement dont le mandat expire l'an prochain voter un tel budget quinquennal sans passer par un vote ? Sous le poids des lobbies infiltrés au coeur de la commission Agriculture, la même Assemblée vote une Politique Agricole Commune dé-verdisée. Exit le plafond à 100.000 euros d'aides européennes par an que voulait les Verts. Allégé aussi le conditionnement de 30% des aides directes au respect des normes environnementales... La veille, le Parlement avait aussi validé la mise sous tutelle technocratique des pays déficitaires... Vive l'Europe ! Même Jean Quatremer, l'envoyé spécial de Libération habituellement si europhile s'en inquiète. 
  
Jeudi, la France et le Royaume Uni réclament de pouvoir envoyer des armes à l'opposition syrienne. Bachar el Assad est toujours là, 70.000 morts et des milliers de viols plus tard, deux ans après le début de la guerre civile. 
  
  
Belle semaine, merci.

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