NKM dézingue Hollande et la "gauche autiste"
: de l'outrance au naufrage politique
LE PLUS. Nathalie Kosciusko-Morizet,
porte-parole de l'UMP, a écrit une tribune dans "Le Figaro" critiquant
sans ménagement le gouvernement et François Hollande. Au menu : un "règne d'amateur, fade et triste" et des
"bedaines effacées". Des attaques injustifiées et insultantes ? C'est
l'avis de notre contributeur.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET. En écrivant une tribune dans le "Figaro" daté du lundi 8
octobre, dans laquelle elle charge François Hollande et son
gouvernement à la baïonnette, Nathalie
Kosciusko-Morizet nous livre une nouvelle illustration de l'actuelle difficulté
de l'opposition à trouver la juste distance entre critiques constructives et
invectives stériles, courtoisie républicaine et agressivité des mots, respect
de la démocratie et déni de la défaite.
La droite pense que le pouvoir est un
apparat qui lui revient de droit et de manière exclusive. C'est une croyance
ancestrale qui ne s'explique pas, un postulat inamovible. En France, le jeune
peuple de droite a donc au moins deux certitudes : le père Noël existe et le
pouvoir appartient à sa famille politique.
Par corollaire, la gauche n'est pas apte à
l'occuper et, quand par hasard elle l'a conquis, c'est par effraction et signe
d'une imposture. Il suffit d'écouter à quel point Jean-François Copé utilise
abondamment ce terme. Il l'a d'ailleurs employé pas plus tard qu'hier.
La période actuelle ne déroge pas à la
règle. La droite, privée de tout mandat national après les législatives de
juin, est donc rapidement tombée en manque, voire en dépression. Et ce lundi
dans "Le Figaro", Nathalie Kosciusko-Morizet s'est fait un shoot.
Nathalie Kosciusko-Morizet dans l'outrance
pour exister
Elle décrit la présidence de François
Hollande comme un "règne d'amateur, fade et triste", juge son
élection illégitime alors même que c'est le peuple qui a voté, et torpille son
gouvernement par des attaques ad hominem. Nathalie
Kosciusko-Morizet complète sa diatribe par une spéciale dédicace sur le
physique, braconnant sur les terres habituelles de Nadine Morano. La classe.
Voici un extrait de sa tribune :
"Être inaudible, colporteur d'une
politique du vide, au fil des interventions télévisées de François Hollande et
Jean-Marc Ayrault, ne peut que rendre vaine une présidence déjà fruit du
hasard. [...] Ces bourgeois de la politique qui se sont déguisés, bedaines
effacées, sourires patelins, se révèlent arrogants, menteurs, tricheurs. Ils
ont l'esprit de clan et veulent mettre l'État en coupe réglée et se servir.
[...] Un ministre du Budget méprisant. Un ministre de l'Industrie vociférant.
Un ministre de l'Économie absent. Quel bel attelage !"
Est-il nécessaire de commenter davantage
les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet tant ceux-ci sont
caricaturaux, indignes d'une responsable politique et versés dans l'outrance ?
Non, évidemment.
À part, peut-être, cette savoureuse
référence aux "bourgeois de la politique qui se sont déguisés".
Venant de celle qui représente l'archétype même de la "bobo" de
droite, la réflexion ne manque pas de sel et montre à quel point NKM est
déconnectée de la réalité.
En revanche, la démarche interpelle car
elle est tellement inopportune qu'elle en devient suspecte et, pour tout dire,
inquiétante pour l'intéressée.
NKM, semblable aux jeunes mercenaires de
l'UMP
Entendre ce type de déclaration dans la
bouche des porte-flingues de Jean-François Copé, ces jeunes mercenaires
transfuges pour la plupart de la cellule Riposte de l'UMP – Valérie Rosso-Debord, Franck Riester, Guillaume
Peltier, Geoffroy Didier, Sébastien Huyghe, Jonas Haddad ou Bruno
Beschizza –, et qui ont mis aujourd'hui leurs compétences – ou le
contraire – au service du député-maire de Meaux, cela n'a rien d'étonnant.
Car, en vérité, que peuvent-ils apporter
au débat sur le fond ? Rien. Il leur faut donc exister d'une autre manière, ce
qu'ils s'échinent à faire du pire qu'ils peuvent.
Mais constater que Nathalie
Kosciusko-Morizet emprunte les mêmes chemins, alors qu'elle est considérée
comme l'une des personnalités politiques les plus brillantes de sa génération,
laisse perplexe. NKM, habillée d'un teint de porcelaine, est devenue
cassante comme du verre. Pourquoi ajouter l’arrogance et la provocation au côté
hautain aristo qu’elle porte déjà comme une croix ? Mystère.
On se demande donc quelle mouche
transgénique a piqué l'ancienne ministre de l'Écologie du gouvernement
Fillon qui, peu à peu, est en train de se transformer en OGM de la politique.
Elle a un corpus idéologique fait de bric et de broc : parmi le commun des
électeurs, qui est capable aujourd'hui de décrire précisément la ligne
politique de NKM ?
Son image est brouillée par son rôle de porte-parole du candidat Sarkozy, au cours duquel elle a dû porter la parole de Patrick Buisson et
promouvoir le nucléaire.
Enfin, elle a montré son incapacité à se
présenter à la présidence de l'UMP, faute de parrainages suffisants. Cette incapacité traduit un manque de reconnaissance jusque dans son
propre camp.
Le naufrage lors de l'émission "Des
paroles et des actes"
Celle qui squatte les plateaux télé et
radio quasiment autant que Jean-François Copé pensait avoir enfin son heure de
gloire le 27 septembre lorsque, invitée de l'émission "Des paroles et des
actes" sur France 2 pour porter la contradiction à Jean-Marc Ayrault, elle
entra dans le débat bille en tête et prête à "anaphoriser" le Premier
ministre.
Nathalie Kosciusko-Morizet dans "DPDA", sur France 2.
François Hollande avait montré, au cours
du débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle, que l'anaphore,
lorsqu'elle est habilement utilisée, est une arme létale. Mais là, ce fut le naufrage, le "Costa Concordia" de l'anaphore, l'anaphore qui se
transforme en "anafaible".
Une NKM tremblante, chevrotante et
hésitante se fracassa toute seule sur l'impavide récif Ayrault qui se paya même
le luxe de remettre à sa place celle qui avait imprudemment baissé sa garde par
pure suffisance. L'art de se prendre les pieds dans le tapis de l'immodestie.
Et pourtant, se faire moucher par
Jean-Marc Ayrault en débat, dont on dira pudiquement que ce n'est pas le point
fort, c'est théoriquement juste impossible. Mais NKM l'a fait... le match était
gagné d'avance, mais elle l'a perdu.
Cette piètre performance et les
commentaires qui n'ont pas dû manquer de la sanctionner, y compris dans son
camp, expliquent-ils la violence des propos tenus au "Figaro" ?
A-t-elle voulu repasser l'écrit après un oral si calamiteux ? Est-ce une façon
de montrer sa force de frappe ?
Nathalie Kosciusko-Morizet, l'antithèse de
Zidane
On a surtout l'impression aujourd'hui que
tout ce que touche l'ex-ministre se transforme en plomb. NKM est une sorte
d'anti-Zidane : alors que l'ancien n°10 de l'équipe de France exécutait
toujours le bon geste, au bon endroit et au bon moment, NKM fait le contraire.
C'est l'art d'être toujours à côté : pas
le bon tempo, pas le bon ton, pas la bonne formule.
Celle qui avait commencé à se démarquer et
à montrer son indépendance lorsqu'elle était secrétaire d'Etat à l'écologie (on se souvient du "concours de
lâcheté et d'inélégance" à destination de Borloo et Copé), s'est maintenant enferrée dans une posture racoleuse en hurlant avec les
loups. Elle fait partie de la meute, au même titre que les bébés Sarkozy ou les
bébés Copé cités plus haut.
Dans la nasse et dans la masse, elle
devient inaudible. L'impertinente n'est plus pertinente, elle ne sert plus à
rien. Et fait tout le contraire de ce qu'elle devrait faire, comme beaucoup de
membres de l'opposition UMP qui privilégient le combat de rues au combat des
idées et des pratiques.
Pas tous néanmoins, certains sont plus
dignes : Alain Juppé ou Bruno Le Maire, pour ne citer qu'eux.
Un effet de contraste désastreux avec
Bruno Le Maire
Ce dernier a d'ailleurs compris qu'une
autre voie d'opposition était préférable : celle de l'exemplarité et la
rénovation des pratiques politiques. Il a ainsi choisi de démissionner de la fonction publique afin de combattre l'esprit de caste prévalant
en France. Bruno Le Maire appartenait en effet au Corps des conseillers des affaires
étrangères.
Même si, au vu de son carnet d'adresses,
Bruno Le Maire n'est pas prêt d'aller traîner ses guêtres à Pôle emploi, ce
geste symbolique est celui qui, depuis le début du quinquennat socialiste, lui
porte le coup le plus fort. En effet, après cette initiative, comment certains
socialistes peuvent-ils encore justifier le cumul des mandats alors qu'un de leurs adversaires va jusqu'à renoncer à son point de
chute en cas de non-réélection ?
On a donc d'un côté une Nathalie
Kosciusko-Morizet hystérique qui franchit l'Everest de sa propre caricature en
sanctifiant l'insulte en politique, et de l'autre un Bruno Le Maire qui apporte
une singularité de style et de comportement en parlant de moralisation de la
vie publique et en prônant une opposition apaisée. L'effet de contraste est
désastreux pour NKM.
Et au final, qui a le plus de chances de
marquer les esprits et d'arriver à bon port ? Celle qui adopte une attitude
grégaire ou celui qui invente un style ? Qu'a fait Sarkozy au début des années
2000 ? A-t-il hurlé avec les loups ou a-t-il tout fait pour enlever son collier
chiraquien ?
Qu'est-il arrivé à NKM ?
Philippe Bilger
Il y a eu Nathalie Kosciusko-Morizet, plus communément nommée NKM, puis il y a eu quelqu'un d'autre. On peut dater la mue du moment où elle a été choisie par Nicolas Sarkozy comme porte-parole de sa campagne.
On en a connu une qui a laissé la place à une autre : une guerrière partisane et sectaire a succédé à une adversaire loyale et équilibrée.
Elle vient encore de se déchaîner dans un article du Figaro où elle semble s'être fixée comme objectif de battre, dans la surenchère, les plus ineptes opposants de l'UMP. Il faut le lire pour le croire et ces deux extraits donnent une idée exacte de la tonalité générale : "Colporteur d'une politique du vide... Vanité d'une présidence déjà fruit du hasard...", plus une charge contre les socialistes, "ces bourgeois de la politique qui se sont déguisés..." et les trois ministres Cahuzac, Montebourg et Moscovici (nouvelobs.com)!
Qu'est-il donc arrivé à la première NKM pour qu'elle décide de se donner congé à elle-même et de se livrer corps et poings liés à une seconde qui est loin de la valoir au point de susciter une poignante nostalgie ?
Dans cette volonté d'en découdre, on peut trouver de la bonne guerre, une manière rude de rendre sa monnaie à la gauche que la mansuétude n'a pas étouffée lors du quinquennat précédent. Alors, pourquoi pas "politique du vide" si elle y tient ! Mais l'inexcusable tient à cette présidence accusée d'être "déjà fruit du hasard"! Si je comprends bien, la France a joué aux dés lors du second tour de l'élection présidentielle et celui que le sort a favorisé, François Hollande, n'est sans doute pas un usurpateur mais pas plus, tout de même, qu'un heureux gagnant au Loto politique. L'impasse est faite sur la majorité des citoyens qui ont voulu sa victoire plus que celle de Nicolas Sarkozy. Il y a, dans cette méchanceté qui se souhaite acerbe et spirituelle, une vulgarité et une injustice surprenantes de la part de cette personnalité, un accroc modeste, par l'écrit, à la correction républicaine.
Quelle mouche a piqué NKM ?
Je ne suis pas persuadé que son but principal était d'être approuvée par Jean-François Copé, ce que celui-ci a fait avec d'autant plus d'enthousiasme que NKM a été exclue du combat pour la présidence de l'UMP. Peut-être même ce soutien ostensiblement affiché - et peu ou prou le seul - a-t-il au contraire amplifié la rancoeur de NKM à l'égard de ce passé immédiat, une défaite déjà, avant sans doute une autre qui aurait été plus cuisante ?
Il ne faut pas oublier non plus pour ce texte si délibérément offensant ce qui, pour une amoureuse du langage, est souvent un formidable et, à la fois, préjudiciable stimulant : le poids, l'enchaînement, l'entraînement, l'allégresse, l'autonomie des mots. Il n'y a qu'à les suivre. Ce sont eux qui dictent l'acidité, l'iniquité, la provocation, le soufflet à la démocratie, la cruauté et la joie perverse d'une critique qui ne laisse plus rien debout. Faire mal pour se faire du bien !
Tentons d'aller plus loin.
Cette fonction de porte-parole qui lui avait été confiée, au grand dam de beaucoup, a été pour elle, dans les débuts, un chemin de croix qu'elle a assumé avec courage et élégance mais elle l'a conduite, pour répondre aux attentes et tenir ce rôle à contre-emploi, à tomber dans une outrance au quotidien, une partialité sans frein qui ont probablement créé chez elle une forme d'addiction. Une dépendance à l'excès et à la hargne. Cherchant à adopter un registre qui n'était pas le sien mais celui habituel de l'entourage de Nicolas Sarkozy, qui la guettait en espérant ses faiblesses, non seulement elle a abondé dans un sens opposé à son tempérament et à son intelligence mais, pire, elle y a pris goût.
Je perçois dans cette volte conjoncturelle la traduction d'un désir plus profond. NKM, à ce moment de sa vie politique où on finissait par juger plausibles les ambitions qu'elle se prêtait et dissimulait de moins en moins, n'a-t-elle pas manifesté une lassitude, une envie de sortir d'elle-même, presque une irritation devant ce qu'elle avait toujours été jusqu'alors: la belle jeune femme, délicate, polie, retenue, exemplaire, éthérée, respectée par presque tous, d'avenir certes mais si peu friande des procédés de pouvoir qui avaient fait leurs preuves ? Je ressens l'indéniable métamorphose de NKM comme un "bon débarras" jeté à la face et aux oreilles de tous ceux qui, l'admirant, ne jurant que par elle, l'avaient enfermée dans un statut quasiment de sainte politique, de miraculeuse dissidente au sein de son propre camp, d'incarnation morale et de grâce distante : rien, par conséquent, pour damer le pion, dans cet univers impitoyable où elle aspirait à une place d'élection, à ses faux amis et à ses vrais adversaires. Fatiguée d'être une icône et célébrée à proportion même de sa singularité qui, fuyant les sentiers battus, n'encombrait pas le chemin des responsables sérieux !
Cette période qui la voit se dépouiller, pour la pensée et son expression, de toute prudence, mais adopter au contraire une verdeur, parfois une brutalité étonnantes pour qui s'était accoutumé à sa douceur perfide, subtile mais toujours maîtrisée d'avant est aussi celle où elle a marqué de manière plus éclatante et belliqueuse son aversion à l'encontre de Marine Le Pen et du FN.
Sa victoire de justesse lors des législatives, malgré l'ostracisme dont on l'avait frappée, s'inscrit également dans une histoire nouvelle. J'irais jusqu'à soutenir que ces événements n'ont pas inspiré la rénovation politique de son être, sa radicalité de propos et de comportement mais que ces dernières, fruits d'une résolution mûrie, ont rapidement trouvé matière pour s'exercer. NKM a donc regagné le pays du classicisme et de la dureté sans nuance : elle est devenue enfin comme les autres!
Sans regret probablement, elle a transmis le relais de l'éthique quoi qu'il en coûte et de l'atypisme à la sénatrice Chantal Jouanno. Ce ne sera plus elle qui prendra des coups, elle en donnera.
Qu'est-il arrivé à NKM ?
Je préférais la première.
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