mercredi 10 octobre 2012

"politique du vide"

 

NKM dézingue Hollande et la "gauche autiste" : de l'outrance au naufrage politique
LE PLUS. Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole de l'UMP, a écrit une tribune dans "Le Figaro" critiquant sans ménagement le gouvernement et François Hollande. Au menu : un "règne d'amateur, fade et triste" et des "bedaines effacées". Des attaques injustifiées et insultantes ? C'est l'avis de notre contributeur.


NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET. En écrivant une tribune dans le "Figaro" daté du lundi 8 octobre, dans laquelle elle charge François Hollande et son gouvernement à la baïonnette, Nathalie Kosciusko-Morizet nous livre une nouvelle illustration de l'actuelle difficulté de l'opposition à trouver la juste distance entre critiques constructives et invectives stériles, courtoisie républicaine et agressivité des mots, respect de la démocratie et déni de la défaite.

La droite pense que le pouvoir est un apparat qui lui revient de droit et de manière exclusive. C'est une croyance ancestrale qui ne s'explique pas, un postulat inamovible. En France, le jeune peuple de droite a donc au moins deux certitudes : le père Noël existe et le pouvoir appartient à sa famille politique.

Par corollaire, la gauche n'est pas apte à l'occuper et, quand par hasard elle l'a conquis, c'est par effraction et signe d'une imposture. Il suffit d'écouter à quel point Jean-François Copé utilise abondamment ce terme. Il l'a d'ailleurs employé pas plus tard qu'hier

La période actuelle ne déroge pas à la règle. La droite, privée de tout mandat national après les législatives de juin, est donc rapidement tombée en manque, voire en dépression. Et ce lundi dans "Le Figaro", Nathalie Kosciusko-Morizet s'est fait un shoot.

Nathalie Kosciusko-Morizet dans l'outrance pour exister

Elle décrit la présidence de François Hollande comme un "règne d'amateur, fade et triste", juge son élection illégitime alors même que c'est le peuple qui a voté, et torpille son gouvernement par des attaques ad hominem. Nathalie Kosciusko-Morizet complète sa diatribe par une spéciale dédicace sur le physique, braconnant sur les terres habituelles de Nadine Morano. La classe. Voici un extrait de sa tribune :

"Être inaudible, colporteur d'une politique du vide, au fil des interventions télévisées de François Hollande et Jean-Marc Ayrault, ne peut que rendre vaine une présidence déjà fruit du hasard. [...] Ces bourgeois de la politique qui se sont déguisés, bedaines effacées, sourires patelins, se révèlent arrogants, menteurs, tricheurs. Ils ont l'esprit de clan et veulent mettre l'État en coupe réglée et se servir. [...] Un ministre du Budget méprisant. Un ministre de l'Industrie vociférant. Un ministre de l'Économie absent. Quel bel attelage !"

Est-il nécessaire de commenter davantage les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet tant ceux-ci sont caricaturaux, indignes d'une responsable politique et versés dans l'outrance ? Non, évidemment.

À part, peut-être, cette savoureuse référence aux "bourgeois de la politique qui se sont déguisés". Venant de celle qui représente l'archétype même de la "bobo" de droite, la réflexion ne manque pas de sel et montre à quel point NKM est déconnectée de la réalité.

En revanche, la démarche interpelle car elle est tellement inopportune qu'elle en devient suspecte et, pour tout dire, inquiétante pour l'intéressée.

NKM, semblable aux jeunes mercenaires de l'UMP

Entendre ce type de déclaration dans la bouche des porte-flingues de Jean-François Copé, ces jeunes mercenaires transfuges pour la plupart de la cellule Riposte de l'UMP – Valérie Rosso-Debord, Franck Riester, Guillaume Peltier, Geoffroy Didier, Sébastien Huyghe, Jonas Haddad ou Bruno Beschizza –, et qui ont mis aujourd'hui leurs compétences – ou le contraire – au service du député-maire de Meaux, cela n'a rien d'étonnant.

Car, en vérité, que peuvent-ils apporter au débat sur le fond ? Rien. Il leur faut donc exister d'une autre manière, ce qu'ils s'échinent à faire du pire qu'ils peuvent.

Mais constater que Nathalie Kosciusko-Morizet emprunte les mêmes chemins, alors qu'elle est considérée comme l'une des personnalités politiques les plus brillantes de sa génération, laisse perplexe. NKM, habillée d'un teint de porcelaine, est devenue cassante comme du verre. Pourquoi ajouter l’arrogance et la provocation au côté hautain aristo qu’elle porte déjà comme une croix ? Mystère.

On se demande donc quelle mouche transgénique a piqué l'ancienne ministre de l'Écologie du gouvernement Fillon qui, peu à peu, est en train de se transformer en OGM de la politique. Elle a un corpus idéologique fait de bric et de broc : parmi le commun des électeurs, qui est capable aujourd'hui de décrire précisément la ligne politique de NKM ?

Son image est brouillée par son rôle de porte-parole du candidat Sarkozy, au cours duquel elle a dû porter la parole de Patrick Buisson et promouvoir le nucléaire.

Enfin, elle a montré son incapacité à se présenter à la présidence de l'UMP, faute de parrainages suffisants. Cette incapacité traduit un manque de reconnaissance jusque dans son propre camp.

Le naufrage lors de l'émission "Des paroles et des actes"

Celle qui squatte les plateaux télé et radio quasiment autant que Jean-François Copé pensait avoir enfin son heure de gloire le 27 septembre lorsque, invitée de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2 pour porter la contradiction à Jean-Marc Ayrault, elle entra dans le débat bille en tête et prête à "anaphoriser" le Premier ministre.

Nathalie Kosciusko-Morizet dans "DPDA", sur France 2.

François Hollande avait montré, au cours du débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle, que l'anaphore, lorsqu'elle est habilement utilisée, est une arme létale. Mais là, ce fut le naufrage, le "Costa Concordia" de l'anaphore, l'anaphore qui se transforme en "anafaible".

Une NKM tremblante, chevrotante et hésitante se fracassa toute seule sur l'impavide récif Ayrault qui se paya même le luxe de remettre à sa place celle qui avait imprudemment baissé sa garde par pure suffisance. L'art de se prendre les pieds dans le tapis de l'immodestie.

Et pourtant, se faire moucher par Jean-Marc Ayrault en débat, dont on dira pudiquement que ce n'est pas le point fort, c'est théoriquement juste impossible. Mais NKM l'a fait... le match était gagné d'avance, mais elle l'a perdu.

Cette piètre performance et les commentaires qui n'ont pas dû manquer de la sanctionner, y compris dans son camp, expliquent-ils la violence des propos tenus au "Figaro" ? A-t-elle voulu repasser l'écrit après un oral si calamiteux ? Est-ce une façon de montrer sa force de frappe ?

Nathalie Kosciusko-Morizet, l'antithèse de Zidane

On a surtout l'impression aujourd'hui que tout ce que touche l'ex-ministre se transforme en plomb. NKM est une sorte d'anti-Zidane : alors que l'ancien n°10 de l'équipe de France exécutait toujours le bon geste, au bon endroit et au bon moment, NKM fait le contraire.

C'est l'art d'être toujours à côté : pas le bon tempo, pas le bon ton, pas la bonne formule.

Celle qui avait commencé à se démarquer et à montrer son indépendance lorsqu'elle était secrétaire d'Etat à l'écologie (on se souvient du "concours de lâcheté et d'inélégance" à destination de Borloo et Copé), s'est maintenant enferrée dans une posture racoleuse en hurlant avec les loups. Elle fait partie de la meute, au même titre que les bébés Sarkozy ou les bébés Copé cités plus haut.

Dans la nasse et dans la masse, elle devient inaudible. L'impertinente n'est plus pertinente, elle ne sert plus à rien. Et fait tout le contraire de ce qu'elle devrait faire, comme beaucoup de membres de l'opposition UMP qui privilégient le combat de rues au combat des idées et des pratiques.

Pas tous néanmoins, certains sont plus dignes : Alain Juppé ou Bruno Le Maire, pour ne citer qu'eux.

Un effet de contraste désastreux avec Bruno Le Maire

Ce dernier a d'ailleurs compris qu'une autre voie d'opposition était préférable : celle de l'exemplarité et la rénovation des pratiques politiques. Il a ainsi choisi de démissionner de la fonction publique afin de combattre l'esprit de caste prévalant en France. Bruno Le Maire appartenait en effet au Corps des conseillers des affaires étrangères.

Même si, au vu de son carnet d'adresses, Bruno Le Maire n'est pas prêt d'aller traîner ses guêtres à Pôle emploi, ce geste symbolique est celui qui, depuis le début du quinquennat socialiste, lui porte le coup le plus fort. En effet, après cette initiative, comment certains socialistes peuvent-ils encore justifier le cumul des mandats alors qu'un de leurs adversaires va jusqu'à renoncer à son point de chute en cas de non-réélection ?

On a donc d'un côté une Nathalie Kosciusko-Morizet hystérique qui franchit l'Everest de sa propre caricature en sanctifiant l'insulte en politique, et de l'autre un Bruno Le Maire qui apporte une singularité de style et de comportement en parlant de moralisation de la vie publique et en prônant une opposition apaisée. L'effet de contraste est désastreux pour NKM.

Et au final, qui a le plus de chances de marquer les esprits et d'arriver à bon port ? Celle qui adopte une attitude grégaire ou celui qui invente un style ? Qu'a fait Sarkozy au début des années 2000 ? A-t-il hurlé avec les loups ou a-t-il tout fait pour enlever son collier chiraquien ?



 

 

Qu'est-il arrivé à NKM ?

Il y a eu Nathalie Kosciusko-Morizet, plus communément nommée NKM, puis il y a eu quelqu'un d'autre. On peut dater la mue du moment où elle a été choisie par Nicolas Sarkozy comme porte-parole de sa campagne.
On en a connu une qui a laissé la place à une autre : une guerrière partisane et sectaire a succédé à une adversaire loyale et équilibrée.
Elle vient encore de se déchaîner dans un article du Figaro où elle semble s'être fixée comme objectif de battre, dans la surenchère, les plus ineptes opposants de l'UMP. Il faut le lire pour le croire et ces deux extraits donnent une idée exacte de la tonalité générale : "Colporteur d'une politique du vide... Vanité d'une présidence déjà fruit du hasard...", plus une charge contre les socialistes, "ces bourgeois de la politique qui se sont déguisés..." et les trois ministres Cahuzac, Montebourg et Moscovici (nouvelobs.com)!
Qu'est-il donc arrivé à la première NKM pour qu'elle décide de se donner congé à elle-même et de se livrer corps et poings liés à une seconde qui est loin de la valoir au point de susciter une poignante nostalgie ?
Dans cette volonté d'en découdre, on peut trouver de la bonne guerre, une manière rude de rendre sa monnaie à la gauche que la mansuétude n'a pas étouffée lors du quinquennat précédent. Alors, pourquoi pas "politique du vide" si elle y tient ! Mais l'inexcusable tient à cette présidence accusée d'être "déjà fruit du hasard"! Si je comprends bien, la France a joué aux dés lors du second tour de l'élection présidentielle et celui que le sort a favorisé, François Hollande, n'est sans doute pas un usurpateur mais pas plus, tout de même, qu'un heureux gagnant au Loto politique. L'impasse est faite sur la majorité des citoyens qui ont voulu sa victoire plus que celle de Nicolas Sarkozy. Il y a, dans cette méchanceté qui se souhaite acerbe et spirituelle, une vulgarité et une injustice surprenantes de la part de cette personnalité, un accroc modeste, par l'écrit, à la correction républicaine.
Quelle mouche a piqué NKM ?
Je ne suis pas persuadé que son but principal était d'être approuvée par Jean-François Copé, ce que celui-ci a fait avec d'autant plus d'enthousiasme que NKM a été exclue du combat pour la présidence de l'UMP. Peut-être même ce soutien ostensiblement affiché - et peu ou prou le seul - a-t-il au contraire amplifié la rancoeur de NKM à l'égard de ce passé immédiat, une défaite déjà, avant sans doute une autre qui aurait été plus cuisante ?
Il ne faut pas oublier non plus pour ce texte si délibérément offensant ce qui, pour une amoureuse du langage, est souvent un formidable et, à la fois, préjudiciable stimulant : le poids, l'enchaînement, l'entraînement, l'allégresse, l'autonomie des mots. Il n'y a qu'à les suivre. Ce sont eux qui dictent l'acidité, l'iniquité, la provocation, le soufflet à la démocratie, la cruauté et la joie perverse d'une critique qui ne laisse plus rien debout. Faire mal pour se faire du bien !
Tentons d'aller plus loin.
Cette fonction de porte-parole qui lui avait été confiée, au grand dam de beaucoup, a été pour elle, dans les débuts, un chemin de croix qu'elle a assumé avec courage et élégance mais elle l'a conduite, pour répondre aux attentes et tenir ce rôle à contre-emploi, à tomber dans une outrance au quotidien, une partialité sans frein qui ont probablement créé chez elle une forme d'addiction. Une dépendance à l'excès et à la hargne. Cherchant à adopter un registre qui n'était pas le sien mais celui habituel de l'entourage de Nicolas Sarkozy, qui la guettait en espérant ses faiblesses, non seulement elle a abondé dans un sens opposé à son tempérament et à son intelligence mais, pire, elle y a pris goût.
Je perçois dans cette volte conjoncturelle la traduction d'un désir plus profond. NKM, à ce moment de sa vie politique où on finissait par juger plausibles les ambitions qu'elle se prêtait et dissimulait de moins en moins, n'a-t-elle pas manifesté une lassitude, une envie de sortir d'elle-même, presque une irritation devant ce qu'elle avait toujours été jusqu'alors: la belle jeune femme, délicate, polie, retenue, exemplaire, éthérée, respectée par presque tous, d'avenir certes mais si peu friande des procédés de pouvoir qui avaient fait leurs preuves ? Je ressens l'indéniable métamorphose de NKM comme un "bon débarras" jeté à la face et aux oreilles de tous ceux qui, l'admirant, ne jurant que par elle, l'avaient enfermée dans un statut quasiment de sainte politique, de miraculeuse dissidente au sein de son propre camp, d'incarnation morale et de grâce distante : rien, par conséquent, pour damer le pion, dans cet univers impitoyable où elle aspirait à une place d'élection, à ses faux amis et à ses vrais adversaires. Fatiguée d'être une icône et célébrée à proportion même de sa singularité qui, fuyant les sentiers battus, n'encombrait pas le chemin des responsables sérieux !
Cette période qui la voit se dépouiller, pour la pensée et son expression, de toute prudence, mais adopter au contraire une verdeur, parfois une brutalité étonnantes pour qui s'était accoutumé à sa douceur perfide, subtile mais toujours maîtrisée d'avant est aussi celle où elle a marqué de manière plus éclatante et belliqueuse son aversion à l'encontre de Marine Le Pen et du FN.
Sa victoire de justesse lors des législatives, malgré l'ostracisme dont on l'avait frappée, s'inscrit également dans une histoire nouvelle. J'irais jusqu'à soutenir que ces événements n'ont pas inspiré la rénovation politique de son être, sa radicalité de propos et de comportement mais que ces dernières, fruits d'une résolution mûrie, ont rapidement trouvé matière pour s'exercer. NKM a donc regagné le pays du classicisme et de la dureté sans nuance : elle est devenue enfin comme les autres!
Sans regret probablement, elle a transmis le relais de l'éthique quoi qu'il en coûte et de l'atypisme à la sénatrice Chantal Jouanno. Ce ne sera plus elle qui prendra des coups, elle en donnera.
Qu'est-il arrivé à NKM ?
Je préférais la première.

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