Affaire Leonarda :
l'esprit et la lettre des textes en vigueur piétinés
16 OCTOBRE 2013 LUCIE DELAPORTE
Vincent Peillon a rappelé que l'école
devait être « sanctuarisée »
et qu'il y avait« des règles de
droit » et « des principes » à
respecter, après la vive émotion suscitée par l'expulsion de Leonarda.
Une procédure qui contrevient à tous les
textes en vigueur sur le sujet dans l'éducation nationale et place
le ministère dans une position délicate.
Rue de Grenelle,
l’expulsion en pleine sortie scolaire de la jeune Leonarda passe mal. Interrogé
ce mercredi à la sortie du conseil des ministres, Vincent Peillon a vertement
réagi. « Nous demandons qu’on sanctuarise l’école », a-t-il déclaré, visiblement très agacé. Le ministre, qui a
affirmé attendre les résultats de l’enquête administrative diligentée par
Matignon, a ainsi assuré qu’il y avait « des règles de droit » et « des principes qui sont ceux de la France. La sortie scolaire, c'est
de la scolarité. Et notre règle c’est qu’on n’intervienne pas lorsqu’il y
a scolarité ». Après avoir pris connaissance, lundi, du cas de
l’expulsion de la collégienne Kosovare, le ministre s’était entretenu avec
Manuel Valls dès le lendemain en marge des questions au gouvernement pour
obtenir des explications.
Sur le
principe d’une école-sanctuaire, les textes qui se sont accumulés ces dernières
années sont très clairs. Ils ont d’ailleurs été rappelés dans les trois circulairesrelatives
à la scolarisation des enfants « allophones
nouvellement arrivés », des Roms et des enfants du voyage, rédigées
par le ministère de l’éducation nationale l’été dernier. « L’école doit être vécue
comme un lieu de sécurité pour ces enfants souvent fragilisés par leur
situation personnelle », affirme en préambule la
circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012. « Assurer les meilleures
conditions d’accueil »de ces enfants est « un devoir de la République »,
dans un « objectif
d’intégration sociale, culturelle et à terme professionnelle »,
souligne l'une d'elles.
Le droit à la scolarisation est inconditionnel,
conformément aux articles L. 111-1, L. 122-1, L. 131-1 du code de l'éducation,
c’est-à-dire qu’il ne peut dépendre de la situation administrative des enfants
ou de leurs parents.
La continuité de la scolarité doit être autant que
possible préservée, comme pour tous les autres élèves : « Tout élève admis dans un
cycle de formation doit pouvoir parcourir la totalité de ce cycle dans
l'établissement scolaire, sous réserve des dispositions réglementaires
relatives aux procédures disciplinaires », affirme la circulaire
de mars 2002, toujours en vigueur, relatives aux modalités
d’inscription et de scolarisation des élèves de nationalité étrangère des
premier et second degrés.
Le rapport
du défenseur des droits de mai 2013 qui évaluait l’application de ces
circulaires a montré que plusieurs tribunaux se sont appuyés sur la
scolarisation pour différer des évacuations, afin qu'un cycle scolaire ne soit pas
interrompu.
Par ailleurs, après plusieurs affaires ayant ému
l’opinion, et abouti à la création du Réseau éducation sans frontières (RESF), une circulaire de
Nicolas Sarkozy du 31 octobre 2005 stipulait,
déjà, qu’il fallait éviter les « démarches
dans l’enceinte scolaire et à ses abords ». Elle a été depuis
abrogée. Reprenant l’esprit du texte de 2002, le ministre de l’intérieur
précisait aux préfets de « ne
pas mettre à exécution avant la fin de l’année scolaire l’éloignement des
familles dont un enfant est scolarisé depuis plusieurs mois ».
Aujourd’hui, l’interpellation de la jeune Leonarda
piétine et l’esprit et la lettre de tous ces textes.
Depuis un an et demi, la rue de Grenelle semble
d’ailleurs constamment en porte-à-faux avec le ministère de l’intérieur. Les
dernières sorties de Manuel Valls sur l’impossibilité consubstantielle à
s’intégrer des Roms avaient semé plus que le malaise au ministère de
l’éducation. George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative en
charge précisément de la scolarisation des Roms et des élèves « nouvellement arrivés en
France », avait rappelé dans un discours prononcé à l’Assemblée
nationale, le 27 septembre dernier, que « les
particularismes sociaux et culturels ne sauraient justifier le non-respect de
nos principes fondamentaux et de nos engagements internationaux comme la
Convention internationale des droits de l’enfant ».
Moins frontale que la sortie de
Cécile Duflot, la mise au point n’en était pas moins nette. Vincent Peillon, la
veille, avait également rappelé, en substance, que la France n’avait rien à
gagner à s’enfermer dans un repli identitaire. La phrase prononcée lors d’un
colloque de l’Afev (Association de la fondation
étudiante pour la ville) n’avait
pas été reprise puisque pratiquement aucun journaliste n’était présent ce
jour-là, invités qu'ils étaient au même moment à un point sur le budget de
l'éducation dans le projet de loi de finances. L'affaire Leonarda a donc fait
sortir mercredi le ministre de sa relative réserve.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire