vendredi 18 octobre 2013

Autoroute A65

Les associations l’avaient dit et redit, et ce plusieurs années avant que ne soit coupé le premier arbre, la construction de l’autoroute A65 entre Langon et Pau est fondée sur des prévisions de trafic irréalistes qui ne peuvent qu’aboutir à la faillite d’Aliénor, la société concessionnaire, et à la récupération de la dette (environ 900 millions d’euros) par la collectivité.
Depuis l’inauguration de l’équipement, en décembre 2010, les faits parlent et le fiasco se dessine : Aliénor, qui vient de publier ses comptes, enregistre un résultat net négatif de 35,1 millions d’euros en 2012 (après -34,6 millions d’euros en 2011) soit 91,6% de son chiffre d’affaire (si si, vous avez bien lu). Selon l’analyse financière produite par Patrick Dufau de La Mothe[1], à ce rythme, la société sera en situation de faillite dans le courant 2014, ce qui nécessitera une recapitalisation par les actionnaires (Eiffage et la SANEF) ou bien, s’ils ne veulent pas, l’activation de la clause de déchéance prévue contractuellement et faisant retomber la dette sur l’Etat, la Région Aquitaine et les départements de Gironde, des Landes et des Pyrénées Atlantiques.
Durant les années où elles combattaient ce projet absurde, les associations n’ont eu de cesse d’avertir quant à ce risque financier, ne suscitant que l’indifférence des médias locaux et le mépris des élus. Les premiers n’ont pas fait leur travail, les seconds ont menti.
Nous savons de source interne à la rédaction que durant les années de débats et controverses sur l’autoroute, aucun journaliste de Sud-Ouest (qui détient localement le monopole de la presse écrite) n’a eu pour mission de travailler en profondeur le dossier financier de ce projet.[2] S’il y en avait eu un, il aurait pu (dû) réclamer avec les associations la transparence sur ce projet, et notamment la publication de l’analyse financière prévisionnelle permettant de juger de la rentabilité de l’infrastructure.
Car, il faut le vivre pour le croire, alors que toutes les analyses de l’Etat faites en amont concluaient à la non rentabilité du projet, le seul document disant le contraire, celui rédigé par le concessionnaire, n’a jamais été rendu public (ce qui est pourtant une obligation légale), ni à nous, associations, ni aux élus locaux engageant par leur vote du contrat de concession la solidarité de leur collectivité avec le projet. Nos recours auprès de la Commission d’Accès au Documents Administratifs n’y ont rien fait, pas plus que ceux auprès du Conseil d’Etat, qui dans un attendu qui ne laisse de surprendre jugeait en 2008 que :
« il ressort de l’examen des pièces du dossier que le Conseil Régional d’Aquitaine a délibéré sur le projet de convention relative au financement des concours publics pour la réalisation de l’Autoroute A65 au vu d’un rapport qui comportait l’ensemble des éléments d’appréciation utiles, en particulier sur la clause de déchéance du concessionnaire ; qu’ainsi les requérants ne sont fondés à soutenir ni que le conseil régional d’Aquitaine se serait prononcé sur le fondement d’informations insuffisantes et incomplètes, en violation des dispositions précitées, ni qu’il aurait de ce fait méconnu ses compétences ».
Le rapport de Patrick Dufau de La Mothe, confirme aujourd’hui que cet arrêt de la plus haute juridiction administrative du pays était, au mieux, du travail bâclé. Nous y apprenons en effet que le conseil régional d’Aquitaine «  a demandé une première fois en 2011 à Nathalie Kosciusko Morizet, puis une deuxième fois en 2012 à Frédéric Cuvillier, en leur qualité de ministre des transports, les documents contractuels, les comptes prévisionnels initiaux, comme ceux issus de l’avenant N°1 qui prolonge la concession de 5 ans. Elle n’a rien reçu… ! »
Les élus régionaux aquitains ont donc bien voté en 2006 sans être informés sur les risques qu’ils faisaient prendre à leur collectivité. Les présidents et vice-présidents de cet exécutif, ainsi que ceux des conseils généraux concernés, ont pourtant toujours certifiés avoir connaissance de ces éléments. A l’irresponsabilité sous-jacente à cette décision, que nous pressentions, s’ajoute donc maintenant la preuve du mensonge.
  JULIEN MILANESI
Sur le sujet, vous pouvez soutenir le film "L'intérêt général et moi", en cours de production: http://fr.ulule.com/linteret-general/


[1] L’expert comptable qui avait produit l’analyse financière des associations en 2008, aujourd’hui conseiller régional Europe Ecologie de la région Aquitaine,
[2] Les seuls à avoir fait ce travail d’investigation sont des journalistes du Monde, de France 2 et de CANAL +, soit aucune rédaction locale.

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