mardi 4 février 2014

L'étrange complicité, par Max Angel




« Le mot qui désigne le principe, laïcité, fait référence à l’unité du peuple, en grec le laos, telle qu’elle se comprend dès lors qu’elle se fonde sur trois exigences indissociables :

la liberté de conscience,

l’égalité de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions spirituelles, leur sexe ou leur origine,

et la visée de l’intérêt général, du bien commun à tous, 

comme seule raison d’être de l’Etat »

Henri Pena-Rui





En ce moment, je relis "Eichmann à Jérusalem" d'Hannah Arendt. 
Ce qui caractérise "la solution finale", c'est d'abord l'industrialisation de la mort pour éliminer une population en fonction de son appartenance religieuse. A laquelle il faut ajouter tous ceux qui étaient considérés comme des sous-hommes : tziganes, homosexuels, slaves, dissidents, malades mentaux et que l'on oublie trop souvent. Et cela quels que soient l'âge et le sexe des victimes.

La deuxième caractéristique, comme l'a si bien démontrée Hannah Arendt, c'est à la fois la complicité de l'ensemble des populations, non seulement allemande mais aussi celles des pays occupés avec plus ou moins d'adhésion selon les pays au processus d'extermination et aussi, certaines complicités subies et voulues de la part des juifs, au travers des "Judenräte" mis en place par les nazis avec l'approbation des anciens de la communauté israélite de la ville concernée.

On sait que les deux vieux "sages" auxquels l'on tresse des couronnes non sans raison, De Gaulle et Adenauer, ont mythifié et mystifié les populations française et allemande en leur faisant croire qu'elles avaient résisté, qu'elles avaient été autant victimes que bourreaux et qu'il ne servait trop à rien de se venger et d'éliminer les coupables.

Sauf, les responsables les plus en vue, sauf ceux qui s'étaient cachés et que l'on retrouvait,  grâce aux "chasseurs de nazis".

Mais, que ce soient le patronat, la magistrature, la police et la gendarmerie, la grande majorité de ceux qui avaient servi les régimes nazi et collaborationniste, demeurèrent en place.

Ne parlons même pas des filières d'exfiltration des responsables nazis et fascistes vers l'Amérique latine, via les couvents et le Vatican, qui fut toujours aux côtés des puissances germaniques, aussi bien durant la Première que durant la Seconde Guerre Mondiale.  Ou vers les pays arabes grâce au grand muphti.

A l'heure où d'aucuns réclament des peines irrépressibles, voire définitives, à l'heure où un braqueur, qui a toujours nié saparticipation au bracage, vient de sortir de prison après 38 ans d'enfermement, rappelons que les quelques responsables allemands des génocides, jugés en Allemagne ou en France, furent parfois condamnés à 3 ou 5 ans de prison pour avoir ôté la vie à 12 ou 15 000 personnes chacun. A croire, que dans l'horreur, il ne faut jamais voir petit.

On me dira, il y a eu Nüremberg ou le procès d'Eichmann, ou celui de Barbie et quelques autres. Soit ! La condamnation à vivre le restant de ses jours enfermé peut, peut-être, être pire que la mort. Donc, il y eut des condamnations à mort, ces crimes légaux qui sont la honte de l'humanité.



Mais ce qui me remue l'entendement, c'est cette fameuse complicité de la majorité des humains dans leur propre élimination. Cette fameuse "banalité du mal" dans laquelle l'on se vautre presqu'innocemment. Parce qu'elle est de tous les temps. Parce qu'elle est inhérente à l'humain. Parce que chacun de nous est concerné. Parce qu'elle s'infiltre dans les esprits, y compris les plus réputés. ( Nous sommes en attente de la traduction des "Carnets Noirs" d'Heidegger qui prouvent son antisémitisme convaincu).

Or, aujourd'hui, face à ces retours de haine véhiculée par ceux qui désignent des boucs émissaires pour mieux camoufler les horreurs du système politico-économique dans lequel nous pataugeons, nous sommes à nouveau interpellés.

Que d'aucuns pratiquent l'antisémitisme ordinaire, et l'Etat, au plus haut niveau s'en indigne. Mais que l'on pratique la chasse aux Roms, pardon, aux Tziganes, (Rom est une invention récente pour faire passer la pilule)  et d'aucuns trouvent cela presque normal.

Il est vrai que ce sont souvent les mêmes qui réclament, pour les autres, un "Etat fort", c'est à dire répressif. Avec des policiers-justiciers, des magistrats impitoyables aux faibles, des caméras de surveillance partout, des contrôles au faciès, de la ratonnade dans les quartiers, la fermeture des mosquées, et la disparition des signes religieux, mais pas tous. Porc à tous les repas ! Mais point trop d'impôts, point de contrôle du fisc et surtout diminution des fonctionnaires, donc démantèlement des services publics. Qu'ils regrettent immédiatement lorsqu'ils disparaissent vraiment.

Parce qu'insidieusement, le "Monstre Doux" décrit par Rafaele Simone prend du poil, se gonfle, s'amplifie. Le libéralisme économique mondialisé a des exigences qui conduisent 1% de la population la plus riche à posséder autant que les 99% de la population mondiale.

Et nous laissons faire. Nous sommes encore et toujours complices de cette situation. L'on nous a plus ou moins convaincus que c'était le seul et unique et merveilleux système reposant sur une caricature de démocratie où lorsque la population vote contrairement aux intérêts des oligarchies, l'on démet "le peuple souverain" de ses prérogatives.

Dictature douce. Sans massacres, (les suicides et autres dépressions, burn out, ça ne compte pas !) si ce n'est en Afrique ou dans les pays en guerre du Moyen-Orient. Car il y a toujours quelques guerres qui sont savamment entretenues. Cela doit être bon pour les "affaires". Alors, dans le cadre de l'union du sabre et du goupillon, de la kalachnikov et du Coran, on saupoudre ces conflits de religions antagonistes, de luttes entre variantes musulmanes, de choc des civilisations et dronez-moi tout ça !

Ajoutons, quelques attentats par-ci, par-là, et l'on justifie une surveillance de tous les citoyens par les grandes oreilles de la NSA et de tous les services de renseignements des états riches ou totalitaires. Et de citoyens libres nous nous retrouvons terroristes potentiels maintenus en milieu carcéral ouvert. Et ce n'est pas fini.

Nous sommes fliqués par nos cartes de crédits, par nos mails, nos SMS, la géolocalisation de nos smartphones ou de nos ordinateurs et autres plaquettes, nos messages sur les réseaux sociaux, et nous en redemandons.

Les nouvelles technologies, la biotechno, nous font passer de l'ère du camp de concentration à celle de la surveillance des corps sous couvert de prolongation de la santé. Bientôt tous "pucés", pour notre bien, avec des détecteurs de maladies, comme il existe déjà des détecteurs surveillant la bonne marche de notre véhicule, de plus en plus indépendant de notre volonté. Pour notre bien !

De plus en plus surveillés et punis. Toujours pour notre bien.

Sans que chacun sache vraiment ce qu'est le Bien. Ou plutôt, en subodorant qu'est déclaré bel et bien, tout ce qui permet l'enrichissement des plus riches.

Ajoutons à cela le conditionnement des esprits par une télévision et des médias entre les mains de grands groupes financiers, voire marchands d'armes ou avionneurs en France, et la religion commune à ces populations privilégiées qui réside dans le culte du Veau d'Or qui peut prendre l'aspect de la Française des Jeux, seul espoir pour les plus malheureux.

N'est-il pas temps de réagir. D'exiger la liberté de "mal faire", de se tromper, pour conserver notre liberté. Que dis-je, nos libertés.

A commencer par celle de nous rebeller, de dire non, de résister !

Et en évitant, si possible, de se laisser entraîner par les St Jean Bouches d'Or des partis populistes d'extrême droite qui sont la soupape de sécurité de ce système odieux.

Bientôt des élections en vue... Il nous faudra choisir les "marionnettes" qui nous dirigeront. Pour notre bien ! Elles devront être défenderesses des oligarchies en place, favorables à une bonne gestion des affaires, soumises aux puissances du marché, à commencer par l'Empire. Ce qui explique le reniement du discours de gauche de M. Hollande et sa soumission-complicité au Marché Commun, cette UE qui n'est qu'un nain politique, une illusion, exclusivement entre les mains des néo-conservateurs et des ultra-libéraux.

Moody's n'a pas baissé la note de la France. M. Moscovici en est tout heureux pour son week-end. La complicité avec le MEDEF a bien fonctionné. Ou presque. Et dès lundi, il va continuer de s'acharner à relancer cette "croissance infinie dans un monde fini" qui nous conduit droit à la disparition de l'humanité de la planète.

Entre temps, Peugeot, Renault, Toyota et Cie auront bien contribué au suicide écologique de la Chine, donc au nôtre. Mais ce qui est le plus important, c'est l'augmentation de la valeur des actions, n'est-ce pas.

Oui, on se réveillera !
Oui, on sortira de cette torpeur qui, pour un tel peuple,
est la honte; et quand la France sera réveillée,
quand elle ouvrira les yeux, quand elle distinguera,
quand elle verra ce qu'elle a devant elle et à côté d'elle, elle reculera,
cette France, avec un frémissement terrible,
devant ce monstrueux forfait qui a osé l'épouser dans les ténèbres et dont elle a partagé le lit.
Alors l'heure suprême sonnera.
Victor Hugo
Avec notre complicité.

Ou non ?

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